Apocalyptica : Metallica en cellos, retour à l’essence du métal @ MTelus (Montréal)
Quand Apocalyptica annonce une soirée full Metallica, sans chanteur, sans artifice, juste des violoncelles et du gros son, on se dit que c’est un pari fou. Mais les Finlandais n’ont jamais fait dans la demie-mesure. Mercredi soir, au MTelus, ils ont ramené tout le poids du heavy metal dans leurs cordes et nous ont rappelé pourquoi ils restent l’un des projets les plus fascinants du genre.
Comme toujours, la soirée s’ouvre sur The Ecstasy of Gold, la bande-son iconique d’Ennio Morricone, qui annonce autant Metallica que la fin de l’innocence. Une mise en bouche cinématographique, et dès les premières notes de Ride the Lightning, la nostalgie frappe de plein fouet. L’absence de voix ne manque à personne : les cordes hurlent autant qu’une Stratocaster branchée sur un Marshall en fusion.
Apocalyptica, c’est la démonstration qu’un riff n’a pas besoin d’être électrique pour faire trembler les fondations. Creeping Death, Battery, Blackened… Autant de morceaux taillés dans le granite du heavy thrash qui prennent une ampleur quasi symphonique. Chaque note est pesée, chaque silence est un coup de poing. Mention spéciale à The Four Horsemen, revisité avec une intensité hallucinante.
Le moment le plus poignant ? Le long hommage à Cliff Burton avant The Call of Ktulu. Respect, frissons, et une exécution magistrale. Cliff aurait validé.
Mais tout n’est pas parfait. St. Anger s’invite au programme et rappelle pourquoi l’album divise encore les fans. Même revisité au violoncelle, la lourdeur du morceau reste difficile à digérer. Un choix audacieux, mais pas forcément payant.
La fin du set est une déflagration. Master of Puppets en mode apocalyptique, un Nothing Else Matters dépouillé et intime, puis Seek & Destroy qui finit de rincer la salle. Le rappel ? One, dans une version ultra-théâtrale où le jeu d’archet remplace les rafales de double pédale.
Apocalyptica ne trahit pas Metallica. Ils le transforment. Ils le subliment. Un show magistral, sans concession. Une preuve que le metal, avant tout, est une question de vibration, d’émotion brute. Et que même sans une seule ligne de chant, il peut encore prendre aux tripes.
Journaliste et photographe: Paul Blondé
Kerry King @ Olympia (Montréal)
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Sum 41, la grande finale ! @ Place Bell (Laval, Québec)
Samedi soir, Laval a vibré au son de Sum 41 pour leur dernier passage en sol québécois, dans le cadre de leur ultime tournée, “Tour of the Setting Sum”. Une tournée d’adieu qui sent la sueur, la bière tiède et l’adolescence retrouvée.
Dès les premières notes de “Motivation”, la foule a répondu avec une énergie contagieuse, comme si elle avait 17 ans et une insouciance à toute épreuve. Les riffs incisifs de Dave Baksh, la batterie métronomique de Frank Zummo et, bien sûr, la voix charismatique de Deryck Whibley ont instantanément fait de la Place Bell un temple du punk-rock digne des plus belles années de MuchMusic.
Mais au-delà de la puissance sonore et des performances énergiques, ce concert avait une saveur particulière. Parce que Sum 41, ce n’est pas juste un groupe qui a vendu des millions d’albums. C’est un symbole. Un vestige d’une époque où le Canada exportait du punk comme d’autres envoient du sirop d’érable. De l’underground d’Ajax, Ontario, à la stratosphère du rock mondial, ils ont toujours porté leur identité avec fierté, et le public québécois leur a bien rendu. “Vous êtes la meilleure foule du monde”, a lâché Whibley, un classique du genre, mais difficile de ne pas le croire quand chaque refrain de “Still Waiting” est repris comme un hymne national officieux.
Les nostalgiques ont eu droit à tout : “Fat Lip“, “In Too Deep“, “The Hell Song“… Une setlist pensée pour faire plaisir aux fans, sans temps mort ni concessions. Même les morceaux récents, issus de leur double album final “Heaven :x: Hell”, ont trouvé leur place sans fausse note.
Un dernier salut, un dernier solo, une dernière marée de bras levés. Puis, contre toute attente, le groupe est revenu non pas une, mais deux fois, comme s’il ne voulait pas en finir. Les rappels ont offert aux fans un moment d’émotion pure, se concluant sur “So Long Goodbye“, avant un ultime baroud d’honneur avec “Linoleum“, la reprise de NOFX, un clin d’œil à un autre géant du punk qui a lui aussi fait ses adieux l’été dernier.
Puis les lumières se rallument. La fin d’une ère. Sum 41 tire sa révérence, mais l’émotion de cette soirée résonnera encore longtemps. Et c’est peut-être ça, au fond, la vraie immortalité.
Photographe et journaliste : Paul Blondé
Tycho @ Théâtre Beanfield (Montréal)
Le projet musical Tycho est d’une vaste envergure. Tycho se distingue par des sons planants, à la croisée des chemins entre l’électro, le house, le dance avec des touches indie, parfois rock et plus souvent penchant vers l’ambiant. Hansen produit lui-même les visuels de qualité qui supportent le groupe durant leurs prestations. Dans le cadre de son World Tour en 2025 qui mènera Tycho sur trois continents dans les prochains mois, la formation était de passage au Théâtre Beanfield de Montréal le 19 janvier dernier.
Bien que dans l’industrie de la musique depuis près de 25 ans, Tycho s’est produit devant un Théâtre Beanfield rempli aux trois quarts. Ceci peut notamment s’expliquer par le fait que la prestation avait lieu au début du vortex polaire frappant l’Amérique du Nord et qu’elle avait lieu un dimanche soir plutôt qu’un vendredi ou un samedi soir. En observant la foule, on remarque que la moyenne d’âge du public avoisine les quarante ans et que la gent masculine est majoritaire. Toutefois, le public impressionnait par la chaleur dégagée envers le groupe et il était rafraîchissant par l’absence de téléphone cellulaire filmant le concert.
C’est donc vers 19 h 45 que l’artiste Nitemoves se met nonchalamment à faire tourner ses platines devant des spectateurs curieux. La lumière ambiante du théâtre se tamise soudainement et le son augmente de sorte à captiver l’auditoire qui diminue ses bavardages. Nitemoves propose des sons planants et réchauffe la foule avec un style house et ambiant. Tout comme l’artiste principal de la soirée, ses mélodies sont dépourvues de paroles. Celui-ci réussit à installer une ambiance lounge festive et c’est au bout d’une heure qu’il termine sa prestation, laissant le public un peu plus impatient et un peu plus échauffé.
Vers 21 h 15, Hansen et son groupe foulent les planches du Théâtre Beanfield sous un tonnerre d’applaudissements. La formation ouvre avec la piste The Phantom, extrait tiré de son plus récent long jeu Infinite Health, paru à l’automne 2024. Durant cette première prestation, les spectateurs peuvent constater que les quatre membres du groupe sont tous vêtus de différents styles – allant d’un complet chic, à un t-shirt noir. Les regards sont vite attirés vers l’immense projection qui se superpose à la scène, au groupe et à leurs instruments. L’immense projection est une succession de créations visuelles, signées par Hansen, et l’harmonie entre la musique et les éléments visuels est grandiose. Chaque chanson immerge le spectateur dans un monde unique, doté d’une esthétique et d’une identité différente.
Tycho poursuit avec des pièces plus anciennes – Spectre (2014) et Weather (2019) — qui s’accompagnent de visuels d’une esthétique très recherchée. On y retrouve des formes psychédéliques qui rappellent les motifs des lecteurs mp3 au début des années 2000. Après la quatrième piste, la foule est déjà très échauffée et à l’avant du parterre, on constate qu’une majeure partie des gens dansent.
Suivent les pièces Consciousness felt, A walk et Green, pour lesquelles Hansen dévoile un montage d’images dont la teinte varie en fonction de la chanson présentée. Durant certaines pistes, notamment L, PBS, Horizon, Time to Run et Awake, un caméraman se promène sur la scène pour filmer de manière rapprochée et continue les membres du groupe, alors que l’immense projection diffuse sa captation avec un effet visuel rappelant l’effet d’une image infrarouge.
Durant tout le concert, les quatre membres du groupe ondulent de la tête ou des hanches tout en performant. On remarque aussi qu’Hansen a souvent les yeux fermés en maniant son synthétiseur et semble autant en transe que la foule au son de sa musique. Très peu bavard, Hansen ne s’adresse que deux fois à la foule. D’abord, en début de spectacle pour remercier les fans d’être là, puis au début du rappel, afin de présenter les membres de son groupe. Ainsi, on comprend que Tycho est le projet d’un mélomane passionné d’audiovisuel, qui laisse la musique et les images parler d’elles-mêmes. La musique éthérée et la production visuelle recherchée de Tycho résulte en un spectacle admirable, qui valait amplement la peine de braver le froid polaire.
Journaliste: Laurence Daoust-Gref
Crédit photo: Tycho (photos de presse sur Facebook et instagram, sans crédit fourni)