The Kills @ Olympia
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6 Février 2012 – Pendant que des millions de téléspectateurs à travers le monde s’époumonaient devant le Super Bowl dimanche soir, quelques irréductibles amateurs de rock s’étaient donnés rendez-vous pour accueillir comme il se doit le sulfureux et trendy duo The Kills à l’Olympia de Montréal, en pleine tournée pour leur 4e album, Blood Pressure. Monsieur Moss, aka le ténébreux brit Jamie Hince et sa belle acolyte américaine Alison Mosshart ont offert un concert généreux, mordant et définitivement rock. Le coup d’envoi du show a été donné avec une première partie efficace, insufflée par les indie punk rock Hunters puis largement menée par les talentueux frères de Jeff and the Brotherhood, rejoints d’ailleurs sur la fin par une Alison aux cheveux rouge feu, un verre à la main, envoutée d’énergie.
22h. La jolie petite salle de l’Olympia s’éteint. Fin de l’entracte. Explosion de rock, avec style. L’arrière-scène est couverte d’un imprimé léopard, dont les couleurs fluctuent selon le jeu de lumières. Alice arrive, tout de noir vêtue, perchée sur ses talons et fine comme une liane. Telle une lionne en cage, la chevelure ébouriffée, elle enchaîne des tours de piste à répétition. Jamie Hince, tout en discrétion, s’approche, guitare électrique à l’épaule, en slim noir et veste en cuir. Derrière eux, deux percussionnistes, en cuir noir également et bandana rouge sur la bouche, battent une mesure presque tribale, sur les deux grosses caisses. No Wow, extrait de leur deuxième album du même nom. Un lancement résolument rock et une Alison qui se meut tout le long de la scène, féline, s’avançant et se baissant régulièrement vers le public, absolument conquis.
Le spectacle se poursuit avec Future Starts Slow Heart et Is a Beating Drum, où cette fois Jamie Hince prend le relais au devant de la scène, rejoint par Alice, qui s’empare d’une guitare, les fils emmêlés autour d’elle. La symbiose entre les deux est éclatante, un véritable duo. Deux stars qui partagent la scène, l’une se déhanchant bestialement sexy, et prenant possession de l’espace et du public, le second plus discret mais entouré d’une aura telle qu’il lui suffit de peu pour soulever la salle. Un signe, un regard, un coup de gratte soutenu, pour une prestance qui impose en quelques gestes à peine. Pour Kissy Kissy, Alice descend dans le pit, décidément non avare en contacts avec son public. Avant de poursuivre la chanson à l’unisson avec Jamie Hince. La complicité est palpable. Et le public se laisse emporter par l’atmosphère qui se dégage de la scène, un rock énergique et généreux, à faire vibrer les corps et résonner les basses. « Merci, merci, merci » finit par s’écrier Alison. Trois mots qui déclenchent les cris et transforme en un instant l’Olympia en une bulle rock sur orbite. Le show se poursuite sur U.R.A Fever, un rock aérien qui finit d’envoyer le public dans une autre galaxie. « I am a fever, we are a fever » répète en cadence Alison, en se tordant comme un ver au bord de la transe. La demoiselle n’en finit plus de danser, de se lâcher en parcourant la scène, allant au devant du public. Nouveaux remerciements. Avant de lancer DNA, qui couronne Alison en véritable star de ce show. Le public n’a d’yeux que pour elle, comme hypnotisé par son énergie débordante et son charme piquant. Les lumières s’activent sur un mode de trombinoscope, Alison, avec une adrénaline de lionne, poursuit son show. Le rock puissant, beau et nostalgique, se mêle au rythme du reggae pour un morceau passé en force. Les basses secouent la salle, et le public, canonné en pleine face, bat la tête en cadence et se mue en une marée de bras levés prête à virer à la tempête. « Where are you my little tornado, my little hurricano? » enchaîne le tandem, avec Last Day of Magic, dans un rythme saccadé et embarquant. Une tornade, calmée par la voix langoureuse et suave d’Alison, qui monte sur le décor de la salle, s’appuie contre le mur rouge encadré de dorures, et entonne Crazy…« I’m crazy for feeling so bluuue ». Un tableau chargé d’émotion, la voix écorchée et intense. Un joli moment hors du temps. Suivi d’une reprise en puissance avec la reprise du duo de choc pour Baby Says et Hook and Line. Les teintes sont résolument africaines, accentuées par les caisses frappées comme des tambours qui se mêlent au rock criant. « Rock is not over! » entend-on fuser.
En effet, le « rock is definitely NOT over » et les Kills sont bien décidés à continuer la tradition, tout en style, écorchures et grain de folie nonchalant. Bercés d’influences musicales riches, ils proposent un rock original et mosaïque, qui se laisse écouter avec un plaisir certain. Dès les premières notes de Black Balloon, Jamie Hince avance au devant de la scène, avec sa guitare grattée fièrement devant l’entrejambe, prêt à célébrer la grande messe. La lumière rosée se diffuse sur le public comme un nuage mystique. Les paroles «Farewell my black balloon, the weather had its way with you…» retentissent dans la salle. Un son sombre, emprunt de nostalgie. Qui tranche avec les suivantes, Tape song, poussé avec une voix à la Gwen Stefani période No Doubt. Rafraîchissant à souhait. Suivie d’un Cheap and Cheerful joué en fanfare, conclu d’ailleurs par un salut militaire de Jamie Hince, qui prend résolument de l’assurance au fil du show. Pots and Pans, extrait de leur dernier album s’apprête à sonner la fin du spectacle, en marche solennelle tribale. Une chanson sortie avec les tripes. Alison tantôt prosternée dans l’ombre, un bout de voix poussé avec intensité, tantôt derrière le clavier délirant dans un rythme rock psychédélique inspiré.
Main dans la main les deux acolytes s’avancent pour saluer leur public, encore en plein trip. L’illumination retrouve ancrage dans la réalité. Quinze chansons viennent de défiler et déjà arrive le temps de tomber le rideau. Repartis dans les loges, Alison et Jamie se font applaudir, taper des pieds…le public en veut encore, et le fait savoir avec entrain. Il en fallait finalement peu pour convaincre le duo de reprendre place sur scène, qui se laissait juste désirer un peu.
Deux verres de vin à la main, un chapeau sur la tête, l’air nonchalant de celui qui sait ce qu’il vaut, en toute simplicité, Jamie Hince revient, suivi d’Alison qui lui pique vite son verre. Et le show de reprendre de plus belle à la lumière des briquets qui crépitent, avec un petit bijou extrait du dernier album, The Last Goodbye. Une chanson qui aurait été parfaite pour clore le spectacle mais qui fût, juste pour le plaisir, suivie de trois autres morceaux d’explosion rock électrique, toutes cordes sorties, Sour Cherry, aux paroles scandées, Fuck the People, infiniment plus dansant où les deux se lâchent complètement, et enfin Monkey 23, chanté les yeux dans les yeux, avant de saluer une dernière fois le public, main dans la main avec les deux percussionnistes. « Thank you again! I see you soon » remercie une dernière fois Alice.
Un show à la fois électrisant et profond, aux arrangements résolument rock. Un show d’une grande générosité, aux artistes clairement heureux d’être là et décidés à le transmettre. Un show comme on aimerait voir plus souvent!
Auteur : Sarah Meublat
Photographe : Guillaume Lefeuvre
Pour en savoir plus : The Kills