04 aout 2012 – Hier samedi, je reprenais le chemin de Jean Drapeau, pour une deuxième journée intense de festival Osheaga. Au programme, quelques artistes que j’affectionne particulièrement, The Raveonnettes et Feist, et deux concerts pour le moins intriguant, celui de Garbage d’abord, qui avait été récemment assassiné par la critique, et l’éternel Snoop Dogg aka Snoop Lion. Un concert qui attisait au plus haut point ma curiosité.

A peine arrivée, je rejoignais donc au pas de course la fameuse scène verte, au bout de l’île. Une aventure à chaque fois tellement le chemin est cocasse. Patience de rigueur. Le show des Raveonettes a déjà commencé, le duo pop rock danois aux sonorités vintage se démène sur scène. J’aime The Raveonettes pour leur esprit pop 60′s/ rock 50′s, leurs chansons efficaces, leurs guitares aux sons entraînants, parfois distordus ou grinçants, et leurs mélodies quasi enchanteresques, portées par la voix sensuelle de la belle blonde Sharin Foo. Je découvre toutefois un set absolument rock limite psychédélique, toutes guitares sorties. Une version festivale j’imagine, qui, même si elle semble efficace à regarder le public s’agiter, ne me procure pas les sensations que j’aime habituellement tant en les écoutant. Ce ne sera que partie remise.

17h45, les gens affluent vers le chemin de sortie, direction la scène principale où les montréalais Dumas jouent déjà devant une grosse poignée de fidèles. Je ne connaissais pas mais la musique est agréable, un pop rock new wave sympathique, des textes en français, qui s’écoutent facilement.

A côté, le parterre se remplit doucement, Brand New, les rockeurs alternatifs américains, s’apprêtent à jouer. Le grand public se fait rare, mais les fans sont là, et dès les premières notes, conquis, ils chantonnent avec le charismatique chanteur Jesse Lacey. Chemise à carreaux, barbe de 4 jours, guitare à l’épaule, Jesse Lacey emporte son public. Quelques traces du passé punk du groupe resurgissent, à coups de distorsions bien senties, de gueulantes à aller remuer le fin fond des tripes. Brand New est étonnant. Un concert 100% rock qui convainc les amateurs du genre. Brand New a ce petit quelque chose des grands groupes, qu’on aime ou pas.

Pendant ce temps, sur la scène des arbres, au coeur d’une clairière débordante de monde, les Canadiens Arkells finissent leur set. Le son grésille, mais leur rock, teinté de soul et de R’n’B se veut efficace et festif. Un coup d’oreille suffit à être absorbé. L’énergie qui se propage est folle, complètement débridée, on en regretterait presque de ne pas être arrivé plus tôt. Je comprends maintenant pourquoi ces cinq joyeux et talentueux lurons ont rafflé cette année le Juno Award du Groupe de l’année. A revoir, absolument..

Le coeur réchauffé, je rejoins un peu plus loin la scène verte où le new yorkais Rock A$ap est déjà en train de scander son nom: “Asap! Asap! A-Fuck yourselves!” rythmeront toute la durée du concert. “Wassup motherfuckaaaas!!” crie régulièrement Rakim Mayers, entre deux morceaux balancés et rebondissants. Du hip hop bien senti, qui forme des vagues dans la foule. Une seule mixtape, un seul album studio au compteur et déjà de nombreux sympathisants pour ce mec d’Harlem qui, entre deux coups de feu lancés sur scène, tisse, avec une facilité déconcertante, le contact avec son public. Un petit mot pour chacun “hey, what’s up baby!”, “nice tattoo man“, en sautant de part en part d’un bout à l’autre de la scène. Le public en redemande, les corps surfent de bras en bras. L’ambiance est là, aucun doute là-dessus.

19h05, il est déjà temps de courir en direction de la scène de la rivière. Heureusement, mon joli bracelet jaune me permet de couper la file et d’arriver à temps pour les premières notes de Garbage. Ce concert j’étais curieuse de le voir. Après certaines critiques des précédents festivals d’été annonçant la fin du groupe et surtout l’extinction de la voix de Shirley Manson, je m’attendais au pire. Quelle bonne surprise donc de découvrir Garbage en pleine vigueur sur scène. Shirley Manson, prend la pose aguicheuse, se pavane dans son mini short rouge, chignon porté haut, et galvanise son public. Micro en main, elle ne relâchera pas un instant la pression, généreuse, et n’hésitant pas à discuter avec son public, en français s’il vous plaît! Le groupe offrira quelques unes de leurs chansons les plus connues I Think I’m Paranoid, Blood For PoppiesShirley Manson délaisse ses hauts talons pour une paire de bottines plates, et se lance dans une série de simulation d’orgasme, de tapages de pieds, de pas de danse lascive. “For those who know us, we are Garbage” commence-t-elle “For those who don’t know us, we are still Garbage. And for those who hate Garbage, fuck you, we are still Garbage!” avant de remercier les québécois pour leur loyauté sans faille, la quantité de messages laissés sur les médias sociaux, à peine quelques chansons plus tard, la belle demandera d’ailleurs à un homme chargé de la sécurité de lui apporter la lettre tendue par une fan, et lui dédiera une chanson.

Moment fort du concert, un voile gris texturé tel une étendue de roche rugueuse, Shirley Manson, les deux mains agrippées au micro, beat lourd et lent, guitares qui pleurent, la voix plaintive, pose ses tripes sur scène avec un I Will Die For You à faire frémir les corps. Pour alléger l’atmosphère, elle confie, l’oeil espiègle, son impatience et son excitation de découvrir le nouveau Snoop Lion un peu plus tard. Avant d’enchaîner avec un nouveau titre, Controltoutes guitares et rock puissant qui déménage, et de finir par un Only Happy When It Rains, chanté avec le public. Un beau concert, au-delà des espérances. Que les choses soient dites, Garbage est loin d’être pouvoir mis au rebut

20h15.. Sur la scène de la montagne, Feist prend ses quartiers. Ce concert, je l’attendais, parce que le talent de la Canadienne me touche au plus profond, son timbre, sa voix fragile et à fleur de peau. Il fut beau, évidemment. Mais pas transcendant comme j’en rêvais. La barre était haute je sais bien. J’ai aimé entendre les magnifiques My Moon My Man, I Feel It All et Mushaboom, mais peut-être parce que l’excitation pour Snoop commençait déjà à monter, il était difficile de plonger dans le monde si opposé de Feist, fait de douceur et de simplicité, d’humilité. La foule affluait déjà, cerceaux dans les mains, tubes fluorescents sur le corps, cagoule de lapin et bandana sur le bas du visage, un défilé d’énergumènes déjantés sautillant. Le contraste était pour le moins étonnant. Pendant ce temps, Feist continuait de distiller sa magie, généreuse à son habitude, échangeant avec son public, tentant de le faire chanter en canon, mais comme une bulle qui ne cesse d’éclater, il fallait un effort surhumain pour rester emportée dans ce monde enchanté quand tout autour criait le contraire. Heureusement, dans un moment divin d’accalmie, Feist est parvenue à envoûter la foule, dans son intégralité. On n’y croyait plus mais la foule s’est presque tu. Laissant la magie de Graveyard opérer. Instant de communion d’une émotion palpable, la foule a suivi. Un groupe de jeunes filles alcoolisées, guirlandes de fleurs dans les cheveux, chantaient de tout leur coeur les paroles. C’est pour ces instants d’alchimie parfaite que les festivals existent. Instant de bonheur pur.

21h15. Concert de Feist terminé, la foule est compacte, frémissante. 40 000 personnes réunies c’est donc ça. Les courants se forment, tandis que chacun tente de trouver la meilleure place. 21h30, l’impatience se fait sentir. Aucun autre artiste n’aura fait attendre de cette façon. Même Eminem l’an passé avait eu la décence de se pointer au moment voulu. Il fait une chaleur intenable, les nombreuses heures passées debout se font sentir. Chacun regarde désespérément son téléphone à la recherche d’information. De toute façon les réseaux ne fonctionnent pas.21h45. Des filets de personnes prennent la direction de la sortie, las. L’agacement pointe sérieusement, la foule hue. 21h50. Des chansons de Snoop sont enfin diffusées, toujours personne sur scène. Puis un à un son crew  arrive. Tentant de chauffer une foule légèrement exaspérée.

Annonce du “King de la West Coast”, rien de moins, sur Carmina Burana, allons-y gaiement dans la mégalomanie.Le roi donc, arrive, survêtement rouge, bonnet de rasta sur la tête et t-shirt jaune, vert, rouge à son effigie, un énorme point américain où l’écriture liée Snoop Dogg est affichée, immanquablement. Le début de concert est laborieux. Un enchaînement de titres coupés, avec un entremêlement de reprises plus ou moins de bon goût, dont un California Gurls en mode high school girl à paillettes qui me laisse pantoise. C’est sûr que depuis son association d’un ridicule ultime avec le roi de la nuit tropézienne Jean Roch, j’avais bien compris que le roi de la côte Ouest ne se posait plus vraiment de question d’intégrité, un dollar étant un dollar. Mais là je sais pas, ça saute un peu trop aux yeux. Les danseuses en survêtement Adidas (certainement sponsor de la tournée) se dandinent, elles laisseront d’ailleurs vite leur tenue pour des mini shorts affriolants et justaucorps à paillette (ouvert, la grande classe), se collent au king, lui promulguent lap dance et autres réjouissances visuelles. Mais la poudre au yeux dure un temps. Et les reprises de P.I.M.P (50 Cent) ou  I Wanna Fuck You (Akon) ne suffisent pas à convaincre. On aimerait un peu plus de profondeur, des titres de Snoop par exemple. Simple suggestion n’est-ce pas. Heureusement le king daigne tout de même nous offrir ses cultissimes Next Episode (sans Dre ne rêvons pas), Nothing But a “G” Thang, Snoop’s Upside Your Head ou Drop It Like It’s Hot. Dans ces moments, la foule est en liesse. Partout des chorégraphies s’improvisent, les bras se lèvent en cadence et les vagues se forment, jusqu’au déchaînement. Il est tout même absolument phénoménal de pouvoir danser sur un What’s My Name live. Instant mémorable, qui empêche de regretter d’être venu. Mais hormis ses titres old school, les tentatives de reggae music ne prennent pas. A son grand agacement d’ailleurs, “somebody help me sing this shit!!”. C’est un bide. Aucune réaction du public qui attend que ça passe. Il suffit d’une petite reprise de  Jump Around (House of Pain) pour ragaillardir les foules. Osheaga convulse en rythme. Les nuages de weed ne cessent s’élancer vers le ciel, encouragés par Snoop qui, un joint à la main, scande “for those in da house who like to be fucked up!” avant d’entonner For Those Who Like to Be Fucked UpLe concert aura été décousu, inconsistant, parcouru de bons moments, et d’instants presque embarrassants pour le roi auto-proclamé. Qui n’hésite pas d’ailleurs à conclure son concert sur un message de paix, “très important” pour lui dont je vous passerai les détails insipides. Mais comme il semble être une habitude acceptée dans ce concert pour le moins étrange, cet instant creux sera sublimé par un Young, Wild and Free magnifique, chanté une bonne partie du morceau avec pour seul instrument le piano, et Snoop penché vers la foule qui chante à l’unission. L’île Jean Drapeau commence à se vider graduellement, je décide de suivre le flow, qui continue de chanter en symbiose jusqu’au métro. Beau et touchant.

Avant mon arrivée, notre photographe a réussi à captiver les shows de The AggrolitesCalexicoPlants &  Animalset Young and The Giant. Je vous laisse regarder !!

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Auteur : Sarah Meublat

Photographe : Julien Kauffmann

Pour en savoir plus : Raveonettes, DumasBrand NewArkellsRock A$apGarbage, FeistSnoop Dogg, The AggrolitesCalexicoPlants &  Animals, Young and The Giant