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27 Septembre 2011 – Attitude nonchalante de celui qui sait qu’il n’a plus rien à prouver, chemise à carreaux rouge, jeans et guitare à la main, Ben Harper suit ses musiciens, presque hésitant dans l’ombre. Le public montréalais du Métropolis se prépare, au son d’un orgue d’église, à un grand moment, patient mais sur le qui-vive. Ben Harper s’avance enfin, avec une retenue presque fuyante. Et lance le coup d’envoi du concert, sans encore un regard pour son public. Les guitares raisonnent, les cordes et la batterie s’emballent dans un rock qu’on ne lui reconnaît pas vraiment. Une énergie électrique. Ben Harper le rebelle.

Une seconde chanson tout aussi rock s’enchaîne. La rage a été lâchée, vient le temps des remerciements à un public de fidèles conquis, étrangement une majorité d’hommes, de nombreux couples, et quelques jolies jeunes filles apprêtées, cherchant désespérément une attention qui se fait difficile à capter. Ben le timide. Qui se pose sur sa chaise. On lui amène sa lap guitar, sur laquelle il part dans un rock blues puissant. Ben le virtuose. Il part dans un monde intérieur, porté par la musique, son corps convulsant au son des notes qui filent. Le public est transporté. Puis réveillé par un Rock and Roll is Free, que le Métropolis entonne à l’unisson. Ben la star. La symbiose avec son public a opéré, il se penche pour offrir son médiator, se relève et prend le micro pour partager une anecdote. Se souvenant de l’un de ses premiers Festival de Jazz à Montréal, où il s’était tellement perdu qu’il ne s’était même pas aperçu qu’il était déjà dans la salle de concert dont il cherchait l’adresse…ça m’arrive souvent rit-il. La glace est brisée.

Le temps est venu de sortir sa carte lover, au plus grand plaisir de ses fans, toujours aussi friands des grands classiques qui ont fait son succès. Diamonds on the inside. Grand moment. Chaque cœur, même récalcitrant, s’incline et fond sous le charme Harperien. Après un début de show commencé en puissance, la douceur se diffuse dans la salle. Ben le romantique. Et la recette prend. Il en profite pour introduire son nouveau bébé, intitulé Masterpiece, une ballade d’amour chantée sur une guitare sèche, seul sur scène, en toute intimité. « I love you for who you are. I love you for who you may never be ». Du grand Ben Harper, qui vise en plein cœur. Nouvelle chanson, déjà adoptée. Ben l’artiste. Touché par la reconnaissance et le soutien de son public, il remercie, remercie encore, s’incline, lance des signes de la main, posée sur le cœur. L’émotion et l’angoisse de présenter un nouveau morceau, on sent le soulagement.

Le concert reprend sur des morceaux plus rythmés, oscillant entre rock, swing des années 20, on apercevrait presque Fred Astaire claquer quelques pas de danse, puis un rock de bikers, tous cris devant. Ben le rocker. Il pousse la voix et ses tripes. Se retire dans l’ombre pour laisser son batteur partir dans un solo incroyable, qui laisse libre court à l’improvisation. Ben comme le reste de la salle n’en croit pas ses oreilles, le batteur part toujours plus loin, envoie valser l’une de ses caisses sans même s’en rendre compte. S’arrête une seconde. Suspension. Et reprend de plus belle dans des rythmes mélangés rock et afro. Le talent ne s’invente pas n’est-ce pas?

Le niveau du concert monte encore d’un cran avec un Amen, Omen qu’on n’attendait plus et prend donc le public par surprise. Instant magique. Ben l’ensorceleur. Qui prend à nouveau quelques minutes pour expliquer au public le sens de sa prochaine chanson, écrite dans l’un de ces moments où, on se sent tellement bas, qu’un seul chemin reste possible…la musique commence dans un blues à tourner les boyaux, Ben chante ses tripes, Where could I go. Quand on pense atteindre le paroxysme, la musique ralentit, Ben fredonne presque. Silence. Les musiciens rangent leurs instruments et Ben qui reprend, a capela dans un gospel qui lève les âmes. Envahit les cœurs. Apaise les esprits. Transmet cette rare intensité de douleur et d’incroyable joie de vivre. Ben l’ange. Ovation.

Le concert aurait pu se terminer sur ces notes qu’il aurait été parfait. Mais c’était sans compter sur une passion inépuisable, une envie de partager l’amour de la musique insatiable. Après un faux Adieu, le Métropolis tremble. Le public rappelle à tout rompre un Ben qui ne demande que ça. Et qui revient sur scène, seul avec sa guitare. Il se met à jouer comme lui seul sait le faire. Et le temps de s’arrêter à nouveau. Les mouches de retenir leur respiration. Suspension. Encore. Les notes s’échappent de la guitare pour envahir l’air. Pas de chant, seules les notes de Pleasure and Pain comptent. Ben finit en rappelant au public à quel point cette guitare lui est chère, car offerte à ses 20 ans par son grand-père. Ah il est fort ce Ben pour nous faire chavirer et tomber littéralement sous son charme. Qui se poursuit le temps de quatre autres chansons. Un rappel qui n’en finit plus. A la hauteur d’un show plein d’émotions, dont on sort étourdi. Ben le Grand.

Auteur : Sarah Meublat

Photo : Guillaume Lefeuvre

Pour en savoir plus : Ben Harper, The Barr Brothers