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19 Novembre 2011 – Samedi après-midi, le festival indie rock M pour Montréal avait investi le Café Campus pour un marathon de showcases sélection spéciale « franco ». L’occasion de découvrir live quelques noms de talents locaux qui circulent dans le cercle indé comme des pépites en devenir, une relève qui ne demande qu’à éclore!

Karim Ouellet

Première très belle surprise de cette journée avec Karim Ouellet, dont la musique apparaît comme un oasis de fraîcheur sucré entre tous les groupes de rock indé garage qu’accueille le festival. C’est que Karim, dakarois de naissance, fils de diplomate québécois, en a vu du pays, Afrique, Europe, Amérique…Une enfance de nomade, à s’imprégner des différentes cultures qu’il a côtoyées. Il en sort une musique colorée, aux influences multiples pop rock, folk, reggae, hip hop, disco même et résolument chanson française. Son titre Météore notamment apparaît comme une référence à M, dont il pourrait sur ce titre être le petit frère outre-atlantique. Des textes travaillés et poétiques, qu’on découvre avec curiosité et intérêt. Des titres que les lèvres fredonnent déjà, Le MonstreLa la la. Une jolie ballade intitulée Plume, du nom de son premier album, pour lequel il a d’ailleurs été récompensé cette année aux GAMIQ. Accompagné sur scène  d’un guitariste, un batteur et un multi-instrumentiste aux outils de toutes origines, il commence une chanson aux bruits d’oiseaux, un voyage tropical dans lequel le public se retrouve instantanément transporté, quelques percussions africaines, qui soulignent une mélodie et un rythme rock. Un bouillon de cultures, d’une richesse incroyable!

Alaclair Ensemble

Difficile transition avec les 6 trublions masqués du groupe Alaclair Ensemble, qui prennent en otage la scène à coups de beats hip hop saupoudrés de ragga. Le spectacle de cette bande de joyeux lurons à l’énergie débordante est drôle. Au début. « Joyeuse année 2013 à tous les gens de la saaaallllle!! » La mise en scène, à sauce de danse-du-poulet et cris à tue-tête cachent difficilement une réalité plutôt agaçante, à savoir une reprise de quelques superbes samples de hip hop, tout simplement massacrés par…des textes sous forme de bruits? De grognements? Une seule phrase me martelait le crâne : beaucoup de bruit pour rien. Erreur de programmation. Next.

Canailles

Heureusement, la surprise suivante était telle que le mal de crâne est vite passé. Un petit bout de fille, d’apparence discrète, s’avance, entourée de ses cinq sympathiques comparses et pousse une voix blues profonde, d’une intensité inouïe. Le public, scotché, est muet. Les Canailles font leur entrée, triomphalement. Contrebasse, guitares, batterie, accordéon, harmonica, banjo, tambourin, sans compter la succession d’instruments originaux qu’on claque, gratte…un joyeux ensemble se met en branle. Une musique folk rock, avec une pointe de bluegrass à réveiller les foules. Des chansons blues, chantées avec les tripes et la tristesse d’une voix écorchée qui a vécu. Suivies de chansons infiniment folk, qui nous plongent dans le fin fond des États-Unis en mode Western du 19esiècle. « Laissez-vous aller hein, donnez des coudes au voisin » lance l’un des musiciens, casquette de marin vissée sur la tête, yeux rieurs. La troupe part dans un morceau endiablé. On s’imaginerait presque dans un saloon du Far West, avec les chopes de bière qui clinquent et débordent, les femmes aux mœurs légères qui dansent en relevant leurs robes à froufrous. Une musique digne héritière des gigues irlandaises, qu’on danse en tournoyant et en tapant des pieds. Chacun se relaie dans un jeu de voix, tantôt rauque, tantôt aux sonorités de vieille grand-mère, tantôt grave et presque rayée, en demandant au public de claquer des doigts en cadence. À entendre les Canailles s’amuser et emporter son public, toute goutte de sang irlandais se réveille instantanément, et virevolte avec un naturel désarmant dans les veines.

Peter Peter

Artistes suivants sur scène, Peter Peter, deux mecs en skinny jeans, une guitare chacun à la main, un troisième derrière aux batteries. Peter, le chanteur, commence à gratter sa guitare, la moue boudeuse, l’air nonchalant et chante les premières paroles de Je tergiverse, la chanson qu’il interprète habituellement avec Cœur de Pirate « il y a tout un cirque dans ma tête… Je tergiverse entre le sud et le nord, je connais la ville de haut en bas». Une chanson douce, l’air de rien, aux textes imagés. Il introduit sa deuxième chanson « c’est l’histoire d’un mec, moi, qui cherche l’appart d’une fille, mais la dernière fois que j’y ai été, j’étais saoul »…encore une fois c’est la force des textes qui marque, des mots qui portent en eux tout un monde, une pluie d’émotions contradictoires, un imaginaire riche. « Je me sens seul dans la nuit, comme un réverbère…à dégueuler ma vie, ma peine et mes misères…je me tuerais si tu veux pour que tu m’aimes un peu». C’est que le Peter ne manque pas d’humour et de sarcasme et introduit sa chanson suivante, écrite  « pour quelqu’un qui a été très spéciale dans ma vie. Elle s’appelle Saralope »…une occasion de sortir, toujours l’air de rien une hargne si drôlement formulée que toute la salle ne peut que mépriser la Saralope en question et se lier pour la montrer du doigt en ricanant sardoniquement : « si tu étais un oiseau tu serais un pigeon…à chercher ton ombre dans les poubelles! » Excellent. Nonchalamment, exquisément malicieux.

Jimmy Hunt

Le public descend dans la salle inférieure, pour découvrir Jimmy Hunt, dont le nom ne cesse d’apparaître à chaque festival au Québec, récompensé trois fois cette année aux GAMIQ pour meilleur album chanson, meilleur auteur-compositeur et meilleur clip de l’année avec Motocross. Difficile de ne pas être curieux de ce gringalet moustachu, entiché de sa guitare et de son harmonica. Québécois débarqué seul à Montréal, il a occupé un temps les couloirs de la station de métro Sherbrooke, où il jouait ses compositions. En 2010, son premier album sort, sous une pluie d’éloges. Émilie Côté de La Presse décrit sa musique comme « du folk de dandy », sa voix comme celle d’un « bluesman dandy ». Un dandy certes, à l’attitude fleur bleue (un seul thème : l’amouuuur), un côté sensible, presque écorché. Elle est loin en effet l’époque où il jouait les enfants terribles avec son groupe de rock musclé Chocolat. Aujourd’hui, Jimmy Hunt s’impose comme un musicien accompli, à la musique comme un doux mélange d’indie rock, de chanson française des années 70, de blues et de folk américain. Des chansons qui s’écoutent comme on écouterait une bande originale de film, inspirantes, tristes ou simplement nostalgiques.

Alexandre Désilets

S’ensuit une prestation toute en émotion, avec Alexandre Désilets, t-shirt tête de mort qui contraste avec un rock pop en douceur, aérien, planant même. La batterie pose un rythme rapide, en contraste avec le chant d’Alexandre, lent, voire langoureux. Une voix avec laquelle il joue, maîtrisée et consciencieusement posée, poussant l’intensité chaque fois un peu plus loin. La douceur et l’émotion, deux objectifs recherchés. Et atteints à regarder les visages émus aux pieds de la scène. S’apprêtant à entamer sa dernière chanson, il demande timidement au public s’il peut faire une version unplugged, chantée à même le public? Il descend, se place sous le faisceau du projecteur et commence, a cappella. Instant de douceur ultime, la salle autour n’est que silence et émotion. Les larmes des dames coulent.

Fanny Bloom

La tant attendue Fanny Bloom fait son apparition, tout en discrétion et retenue. La presse s’est déplacée en masse pour assister au retour sur scène de l’ex-Patère Rose, dont le groupe a explosé cet été, Kilojoules et Roboto ayant décidé de se concentrer sur leur autre band, les fameux déjantés Misteur Valaire. C’est donc en solo que Fanny poursuit son chemin artistique, un difficile apprentissage après avoir évolué si longtemps en meute. Fanny se confiait récemment à Nightlife sur ce passage éprouvant « 2011 a été une année de reconstruction de maison sur une terre brûlée, mais très fertile et 2012 sera une année de récolte et de paix ». La récolte peut commencer car Fanny est décidément de retour, plus que jamais. Avec un univers bien à elle, oscillant entre de douces mélodies, portées par sa voix tantôt enfantine tantôt séductrice, des morceaux plus festifs, jouant avec des rythmes discos des années 70 ou 80 et quelques pièces solennelles, à la cadence lente et au chant intense et ralenti. Passée l’appréhension de la scène et la nervosité contrôlée des deux premières chansons, Fanny retrouve son élément, raconte des anecdotes, se réjouit que 17h soient passées, « Tchin tout le monde, c’est le temps de l’apéro! » lance-t-elle rieuse. La salle comble est sous le charme, conquis, emporté par l’aura Fanny. Un superbe retour en scène. Qui annonce une année sinon de paix, du moins une moisson explosive!

Alfa Rococo

L’après-midi au Café Campus a fini en dansant, sur le son pop rock électro d’Alfa Rococo. Tristement devant un parterre presque vide…peut-être trop connus et n’intéressant donc plus tant que ça les représentants de l’industrie? C’est certain, la place d’Alfa Rococo était parmi les grands noms de la soirée M pour Montréal au Métropolis qui avait lieu à peine quelques heures plus tard. N’empêche, the show must go on, disent-ils, alors Justine Laberge a assuré non sans rire de cette situation cocasse. En s’amusant tout de même et faisant se déchaîner sur la piste les quelques irréductibles du festival et fans de la première heure. Un enchaînement pop scintillant et vivifiant de quelques uns des titres les plus célèbres du groupe, Météore, Phénix, Rêve américain, Plus rien à faire, La société des loisirs…entraînant et pétillant à souhait!

La conclusion de cette journée sous le signe du rock indé? Nous pouvons nous réjouir, la chanson française n’a qu’à bien se tenir car la relève est en marche et bien déterminée à apposer sa marque originale! Une touche résolument moderne, jouant avec les influences multiples, les époques et les styles, dont elle ne cesse de s’enrichir. Rafraîchissant!

Auteur : Sarah Meublat

Photographe : Paul Blondé

Pour en savoir plus :  M pour Montréal,  Karim Ouellet, Alaclair Ensemble, Les Canailles, Peter Peter, Jimmy HuntAlexandre Désilets, Fanny Bloom, Alfa Rococo