­21 juillet 2012 ­- C’est entre deux pelletées d’asphalte que je vous écris ces lignes, gracieuseté des bibliothèques municipales de Rivière-du-Loup et Rimouski. Comment mieux passer ses vacances estivales qu’en parcourant l’est du Québec à vélo ? Les commencer par un spectacle d’une légende vivante bien sûr ! En effet, vous avez peut-être entendu parler entre les branches d’un événement se déroulant le 21 juillet dernier sur les ­plaines d’Abraham ­de ­Québec­. Ces dernières en ont vu d’autres, mais je suis certain qu’elles n’ont jamais assisté à quelque chose d’aussi grandiose que ­Roger Waters­ à son meilleur, interprétant sonmagnum opusd’opéra rock The Wall. C’est avec cette 192e et dernière représentation de la tournée The Wall Live que l’ex-frontman de Pink Floyd a offert la plus grosse production extérieure de sa carrière depuis Berlin en 1990, quelques mois après la chute du fameux mur qui avait par la suite précipité l’effondrement de l’URSS. Et c’est d’ailleurs l’élément politique qui ressortit le plus, au-delà des thèmes tournant autour de l’isolation qui sont associés à l’album, le spectacle étant devenu entre autres une attaque virulente contre les guerres et le totalitarisme des États. On pourrait même peut-être dire que The Wall est passée d’une œuvre très personnelle à quelque chose de plus collectif; du moins, il n’y a pas de doute là-dessus, la chimie entre le public et Waters était à son comble.

L’aventure commença donc avec In the Flesh? et c’est une foule déjà très bruyante, forte de quelques 75 000 âmes, qui eut l’occasion d’admirer la scène et le gigantesque mur s’illuminer. Digne des meilleurs feux d’artifices, s’enchaînèrent des tonnes d’engins pyrotechniques, répondant systématiquement aux coups du batteur Graham Broad et laissant par la suite place aux inoubliables mélodies blues qui marquent l’album. Dès le début, on constate les exploits de l’équipe technique. Le son était hors du commun et bien au dessus de mes attentes. Les projections visuelles faisaient quant à elles partie intégrante du spectacle du début à la fin et les costumes, dont l’uniforme de tyran de Waters, nous font plonger d’emblée dans l’univers démentiel de ce dernier. Le temps d’apprécier le tout à sa juste grandeur pendant les quelques morceaux initiaux, on entend déjà l’hélicoptère prendre son envol, annonçant le duo de The Happiest Days of our Lives et Another Brick in the Wall Part 2, monument historique de la musique populaire contemporaine. Le festin auditif fut agrémenté visuellement par une énorme marionnette du terrible professeur, que la chorale des Jeunes musiciens du monde s’est affairée à ridiculiser. Et pendant que les briques du mur se rajoutaient subtilement devant la considérable troupe de musiciens, Snowy White sortit de l’ombre pour le solo, qu’il prit la peine d’étirer au grand plaisir de tous. C’est alors que Waters pris le micro pour donner un discours rempli de sincérité et de convictions, le tout en français. Deumeurant dans la veine politique, il dédia la soirée au victimes des terreurs de l’État, mettant en garde contre accorder trop de pouvoir à ce dernier et sa police, ce qui ne laissa pas la foule indifférente, considérant le contexte particulier qui règne au Québec depuis les detniers mois. Il poursuivit ensuite le spectacle en jouant Mother et ce en synchro parfaite avec la projection d’un vidéo d’archive live; le contraste entre le jeune et le vieux, combiné au doublet sonore, cimentait la magie du moment. Et sans répit, le mur se comstruit, les projections prennent plus de place dans le spectacle, et on s’enfonce de plus en plus dans l’univers malsain de The Wall avec des animations surréelles et en revisitant des passages du film. Puis, quand Waters amena la théâtralité et le mélodrame à leurs apogées par sa voix et ses gestes, la dernière brique du mur fut placée et la première partie du spectacle était déjà terminée.

Le temps de reprendre nos esprits (et se reppser les jambes) la musique reprit avec Hey You, le groupe enfermé derrière le massif mur, et la foule se laissant bien volontier porter par la douce vague sonore qui s’amenait. Pour Is There Anybody out There, Waters apparut par une petite fenêtre; pour Nobody Home, il apparut dans un salon, sur une plateforme ouverte dans le mur. Bref  mise en scène géniale. Mais pas aussi géniale que l’interprétation de Comfortably Numb.  C’est devant un mur maintenant blanc, rappelant la simple et efficace couverture de l’album, que Waters commença à chanter le classique. Et pour le mythique solo de guitare, une figure angélique apparut, se tenant tout au-dessus du mur; l’exécution de Dave Kilminster était parfaite, le moment magique, le tout incroyablement épique. L’émotion était palpable et c’était loin d’être terminé. Les projections, toutes plus hallucinantes les unes que les autres, animations pour la plupart, prirent le contrôle, toujours bien servies par l’énorme écran. Tellement énorme que l’immersion était complète, jusqu’à remettre en question notre sobriété.Le délire s’intensifiant encore le groupe apparait devant le mur, tout costumé et amenant la théâtralité du spectacle à son meilleur, jusqu’à Waters qui tire de la mitraillette d’un air hystérique. Le tout sans bien sûr oublier le légendaire cochon gonflable qui survolait la foule. Puis, vinrent la grande finale et la grandiose destruction du mur sous les yeux d’une foule subjuguée. Somme toute, le spectacle avait fidèlement suivit l’oeuvre originale, tant en son qu’en vision, ce qui nous a permit de découvrir ou redécuvrir ce joyaux de divertissement et d’art.

Quand Waters et ses musiciens retournèrent sur scène le temps de dire merci, c’était l’euphorie. L’ovation a duré plus de cinq minutes complète, ou était-ce dix? ou quinze?; personne ne semblait vouloir arrêter. Était-ce pour dire bravo à un icône de la musique et merci, non seulement pour le magnifique spectacle, mais aussi pour l’ensemble de son oeuvre monumentale? Ou était-ce parce que, le temps s’étant arrêté, nos vies se résumaient désormait à applaudir ce que nous avons admiré pendant les dernières heures et qui nous échappait maintenant et pour toujours, sauf dans nos souvenirs. Parce que comme l’a souligné tant bien que mal le maître d’oeuvre entre les cris des fans en délire, c’est une soirée dont nous nous rappelerons toute notre vie. Original et varié du début à la fin, cetopéra rockrenouvelé grâce aux technologies modernes met en effet la barre très haute, surtout que les musiciens aussi talentueux et ambitieux se font rares. Bref, que de bons souvenirs pour tous ceux qui auront eu la chance de voirThe Wall, oeuvre qui n’aura pas manqué de marquer l’histoire durocket plus d’une génération d’amateurs de bonne musique à travers le monde.

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Auteur: Antonis Labbé

Photographe: Julien Carrier

Pour en savoir plus: Roger Waters, The Wall, The Wall Live