Entre Radiohead et Julian Casablancas, Isaac Swann est une jolie nouveauté sur la scène émergente montréalaise. C’est en ce lundi, premier jour de soleil chaud, que le chanteur a décidé de nous amener en balade à travers sa tête, son clair-obscur, dans une ambiance brutalement intimiste.   

Isaac Swann, personnage timide se cachant dans un costume trop grand, rentre sur scène très humblement. Derrière son maquillage, il s’excuserait presque d’être là. Sans un mot, il commence à pianoter et lance une loop singulière qui annonce les couleurs. Elle s’étire comme un souvenir diffus et insaisissable. Par-dessus, il commence à jouer une de ses compositions. Son piano-voix très urbain et libéré nous emporte grâce à des touches personnelles. C’est rare d’observer, dans notre génération, un homme se déposer autant sur un piano-voix. Il joue avec les aigus dans sa voix comme il joue avec les boutons de sa machine, pour proposer toujours des mélanges à la frontière de plusieurs genres. Les intros des morceaux, mêlant tension et opéra, m’impressionnent particulièrement. L’inventivité de la composition exprime la complexité de l’univers de l’artiste ; ses inspirations, il cite notamment Depeche Mode et Japan, teintent sa musique sans la réduire à un simple hommage.  

C’est travaillé et pourtant si désinvolte. Sa mélancolie, dont transpire sa voix, ne laisse pas indifférent. L’interprétation est touchante tant il se dévoile et se laisse aller : plus le concert avance et plus sa timidité apparente s’efface. Il enlève d’ailleurs son blazer pour se révéler. C’est émouvant d’assister aux premiers flirts d’un artiste avec un nouveau public. Les morceaux passent et Isaac Swann s’offre à des émois spontanés, en expliquant parfois ce qui se cache entre les lignes de ses chansons. Les rideaux rouges, dans le fond, sont un bon choix de décor car sur son titre Les Murs, j’ai l’impression d’être face au fantôme de l’opéra chantant son propre requiem. C’est torturé. Je trouve ça très courageux d’être monté sur scène en sachant qu’il ne pourrait pas le cacher.  

Vers la fin, Isaac nous présente un nouveau personnage, héritage de Bowie, pas encore très heureux mais à la recherche d’un avenir joyeux. Plein d’espoir, il chante avec de la lumière dans la voix. On entendrait presque des petites étincelles dans le piano. Le nouvel EP de ce clown triste est audacieux. En mêlant la tension de musique électronique et ambient à de la mélancolie, il réussit à donner à ce sentiment une facette que je ne connaissais pas. Ce n’est pas new wave, ce n’est pas indie, ce n’est pas électronique : c’est nouveau, c’est lui et c’est très assumé.  

Un si jeune auteur-compositeur aussi à l’aise et incarné, ça force le respect. D’autant que l’interprétation, sans être théâtrale, est très expressive. Même si sa musique pourrait nous donner envie de pleurer dans notre chambre, étrangement, elle me donne envie de me battre. Et je suis en phase avec son univers car moi aussi je crois que je suis un poisson. 

Journaliste: Léna Dalgier

Photographe: Clément Souche