Disclaimer : Cet article reflète mon expérience personnelle et mes impressions lors du festival Ile Soniq. Je tiens à préciser que je ne me considère pas comme une experte de la culture rave, mais simplement comme une curieuse qui partage son ressenti et ses connaissances. Mon intention n’est pas de généraliser ou de représenter la totalité de ces cultures, mais plutôt d’offrir un point de vue subjectif basé sur ce que j’ai vécu. Je vous invite à découvrir et à explorer cette culture par vous-même, car chaque expérience peut être unique et différente.

Cette fin de semaine, j’ai été à Ile Soniq. Ça a été l’occasion de découvrir plein d’artistes en live comme Ben Böhmer, DJ Snake, Space 92 x Popof Turbulences, Lily Palmer et Jessica Audiffred ; et de redécouvrir des artistes que j’avais déjà vus. C’est le cas de Vladimir Cauchemar, que j’ai vu à deux reprises et de Paul Kalkbrenner que j’avais eu la chance de voir il y a quelques années. J’ai aimé prendre part à ce festival qui m’a offert l’opportunité de voir les différences culturelles des scènes rave européennes et nord-américaines. Et c’est sur cela que nous allons nous attarder aujourd’hui.

Avant de se lancer, il convient de définir ce qu’est cette culture. Née dans les sous-sols des années 80, la culture rave vient avant tout d’un mouvement underground de rébellion contre les normes sociales. Associée communément à l’expérimentation de drogues, la rave est avant tout une culture musicale et sociale centrée autour de la musique électronique. Cette dernière valorise l’expression de soi, l’innovation artistique et le sens de communauté.

Ayant découvert cette scène en Europe, à travers les sous-genres de la techno et de la house, je pensais connaître certaines choses à l’EDM mais Ile Soniq a balayé tout ça. De ce que j’en connaissais, c’était une culture de niche, rassemblant les gens qui savaient où chercher. Certaines salles étaient connues pour leurs programmations riches, mais cela restait une culture minoritaire. La famille house, plus populaire que celle de la techno, a aujourd’hui un grand public. Les évènements dits rave -les raves en tant qu’évènements ne sont pas définis comme la rave culture- restent excentrés des villes et la plupart des adeptes sont très lowkey à leurs propos. Cependant, de plus en plus d’évènements à tendance techno se manifestent ces dernières années, ce qui divise le public. Les genres les plus populaires en France, la drum and bass et la hard techno ne plaisent pas vraiment aux puristes. Considérant ces courants trop accessibles, ils les boycottent et cherchent des sonorités encore inconnues, sans les partager. L’ayant déjà écrit dans un autre article, je trouve que cette tendance au gatekeep n’a pas vraiment de sens puisqu’elle décrédibilise la scène, mais ce n’est pas le propos.

En Europe, les techno kids et les ravers sont reconnaissables car ils portent du noir, des accessoires en latex et des lunettes de soleil. Il faut s’habiller confortablement pour tenir jusqu’au petit matin et les lunettes sont là pour protéger des lasers dans le visage. Le paysage et les sonorités berlinoises ont un impact sur le reste de l’Europe ce qui a créé cette conformité tacite. Malgré cet alignement, les gens sont eux-mêmes et le conformisme n’est que d’apparence. Après tout, appartenir à une communauté, c’est aussi en revendiquer certains aspects.

Ce que je cherche à dire c’est que je ne m’étais jusque-là confrontée qu’à deux scènes de l’EDM, la house et la techno. Ce sont des familles très vastes qui constituaient ma seule vision de ce monde.

J’ai reconnu cette culture sur la scène Néon du festival, sur laquelle j’ai vu Vladimir Cauchemar, Paul Kalkbrenner, Lily Palmer et Sub Focus & Dimension. Plus petite scène du festival, c’est celle dont j’ai préféré l’ambiance. Le public était attentif à son environnement, les gens écoutaient la musique et dansaient. Un peu déçue du set de Vladimir Cauchemar puisque comme il n’avait pas de casque j’ai supposé que c’était pré-enregistré ; et après réflexion, je pense que je n’ai jamais vu ce mec mixer avec un casque, donc bon. J’ai tout de même aimé son set puisque c’est un producteur que je suis depuis que je suis ado et il m’a rendue un peu nostalgique. Le soir d’après, je me retrouve une nouvelle fois en barrière pour Paul K. Père de la melodic techno, il ne déroge pas aux attentes qu’on a de lui et réalise un live set -de la création en direct grâce à des boîtes à rythmes et d’autres outils-. J’ai passé un moment hors du temps car ce qu’il fait est planant et prend aux tripes ; par contre je n’ai pas été surprise. Son set ressemblait à celui que j’avais vu en 2019. C’est une institution et je pense que plus personne n’attend de lui de la surprise, on est juste là pour en prendre plein la gueule. Il faut avouer que c’est assez impressionnant de le voir composer pendant 2h. Et je n’ai pas arrêté de danser du début à la fin. En parlant de melodic, gros coup de cœur pour Ben Böhmer le samedi soir. À la croisée de la progressive house et de la melodic techno, lui aussi a réalisé une prestation live aux sonorités organiques. C’était très lent et doux et ça avait quelques airs de Fred again.. par moment. J’ai senti une certaine sensibilité chez lui qui l’a poussé à nous livrer un moment très personnel et j’ai apprécié ça.

Ces moments, hors du temps, dérogeaient pas mal de l’ambiance de l’autre côté du festival. Étant moins familière avec la culture rave nord-américaine, ce que je vais raconter ici ne se base que sur ce que j’ai vécu durant Ile Soniq et les quelques préconceptions que j’en avais. Sur la grande scène, le public était coloré et beaucoup plus dénudé. Les ravers portent des ensembles à paillettes, des ailes de papillon, des maillots de bains fluos. C’est acide, psychédélique et très désinhibé. J’ai l’impression que c’est à celui ou celle qui se fera le plus remarqué.e. Pour exister, il faut sortir de la masse. Dans cette foule pourtant arc-en-ciel, je ne retrouve pas d’unité, pas de sens de la communauté particulier. C’est malheureux mais j’ai le sentiment que les gens sont là pour se montrer. Ce que j’ai ressenti aussi dans la présence des artistes. La programmation sur le main stage est très acide, à tendance trance, dubstep et pop EDM. Ce qui correspond aux outfits des festivaliers. Cependant, je n’ai pas l’impression que les gens dansent beaucoup ici. Durant les sets, ça discute pas mal autour de moi et au moment des drops, tout le monde sort le téléphone. Et c’est dans ces moments-là que je réalise que nous vivons la scène de manière différente. Les ravers nord-américains ne sont pas rassemblé.es par l’amour de la musique sinon par le fait de vivre et pouvoir partager ultérieurement ce moment.

Pour exemplifier, le set de DJ Snake était beau à voir, tout en superficialité. Il y avait des feux d’artifices, des lumières, des lasers, des supers grands écrans, de tout, sauf un casque. Le producteur français a pris le micro à plusieurs reprises, a fait des acrobaties mais il ne me semble pas l’avoir vu touché ses platines une seule fois. Je trouve ça triste que des artistes étant arrivé.es tout en haut, sur la grande scène, se permettent de pré-enregistrer des sets. Au prix de la place, on s’attend à autre chose et de la part de DJ Snake, qui n’en est pas à son coup d’essai, on ne peut pas mettre ça sur le stress ou la peur de faire une erreur. Timmy Trumpet a suivi le même schéma, tout en cascades et pas grand-chose en jeu de main. Je n’ai pas écouté sa psy-trance longtemps puisque je suis arrivée à la fin de son set mais ce qu’il en a fait m’a suffi à écrire ça. Enfin, j’ai aussi vu Knock 2 et son set bass house, qui sur la terrasse VIP, sonnait dubstep à mes oreilles.

D’ailleurs, je tiens à avertir toustes ceulleux qui me lisent que les places VIP ne servent à rien. Pour y avoir eu accès, je peux attester que le son n’est pas bon sur la terrasse de la scène Oasis. Placée sur le côté droit du main stage, les enceintes ne diffusent pas le son vers la terrasse et tout ce qui est audible est saturé. Encore une fois, cette terrasse existe juste pour que les gens qui y sont invité.es puissent s’y montrer.

Dans l’ensemble, j’ai passé un beau festival car j’étais bien entourée. En barrière, la sécurité distribue des bouchons d’oreilles et des bouteilles d’eau gratuitement, ce que je n’avais jamais vu avant et je dois reconnaître que c’est un point très favorable envers Ile Soniq. Même si j’ai pointé les différences, j’ai senti de la joie chez tout le monde, sentiment très fédérateur. La programmation était très riche et a couvert beaucoup de styles, ce qui permet de plaire au plus grand nombre ; et c’est pourquoi la disparité m’a parue frappante. Je suis contente d’avoir vécu ça, de m’être immergée dans une culture dont je ne connaissais qu’une face. Aujourd’hui, ma connaissance de la culture rave est plus vaste et pour ça, je remercie Ile Soniq.

Journaliste: Léna Dalgier

Photographe: Baptiste Donnou