Ce samedi c’est ma première fois à la Maison symphonique et ça change des salles dont j’ai l’habitude. Ça fait très adulte de se retrouver là d’un coup. D’ailleurs je me sens très jeune ici. Si je suis là ce soir, c’est pour voir Ichiko Aoba, prodige japonaise qui explore un genre que je connais peu. Sa musique, qualifiée d’indie folk japonais, est douce et éthérée. Influencée par la musique classique et la bossa nova, elle apprend à jouer seule de la guitare à 17 ans.  Aujourd’hui elle se produit un peu partout accompagnée d’un orchestre.

Le concert commence tôt, à 19h, et j’aime bien ça. Il fait encore soleil à Montréal et il sera pas encore couché quand je sortirai de la salle, c’est pour ça que je dis que j’aime cet horaire. J’aurai le temps de profiter un peu du sunset.

L’artiste rentre sur scène sobrement et je dirai que c’est la seule idée que j’avais de sa performance. Cette humilité que permet la sobriété d’une entrée pourtant attendue. Puis c’est un comportement qui plaît aux adultes. La salle est silencieuse lorsqu’Ichiko Aoba chante ses premiers mots. Je ne comprends rien mais c’est beau. Elle est accompagnée de ce que l’on appelle un quintette à cordes, soit une formation de 5 instruments à cordes. Les musiciens ne sont pas vraiment éclairés pour laisser la scène à l’artiste.

Dès le début, elle ne cesse de remercier le public pour ses applaudissements et l’humilité dont elle a fait preuve ne me paraît plus n’être qu’une façade. Bien que je ne comprenne pas sa langue, sa voix m’apaise, elle a quelque chose d’onirique dans sa tonalité aigue. Sa prestation est très immersive et j’arrive à toucher du doigt l’endroit qu’elle veut nous montrer. C’est comme une balade dans un champs de fleurs dans sa tête ; si ça avait une odeur ça serait celle d’un jardin au printemps. Et même dans une salle plutôt grande, tout d’elle me semble très intime. C’est la première fois que j’assiste à ce genre de prestation et je trouve que l’expérience est délicate, comme les pétales d’un coquelicot.

L’acoustique parfaite de la salle apporte une autre dimension à la performance de l’artiste et amplifie la pureté de son expression. Lors de concerts, ce qui me prend le plus aux tripes, c’est souvent la qualité émotionnelle des performers. Et là, Ichiko en est remplie. Mais ce que m’attrape, c’est qu’elle ne force rien, c’est naturel chez elle et je trouve ça fou.

Dans quelques notes, je retrouve des influences d’Erik Satie ou de Debussy qu’elle se réapproprie habilement. Le jardin d’Ichiko Aoba est aussi teinté par les couleurs de Miyazaki, qu’elle réussit à me faire regretter. Je n’ai jamais été touchée par ses animations mais la musique d’Aoba en est la parfaite transcription auditive. Des fois, je ferme les yeux pour me laisser porter dans son histoire. Et tout ce que je vois n’est que rêve, fleurs et thé au citron. C’est doux et léger. C’est umami.

Journaliste : Léna Dalgier

Crédit photo: @rousseaufoto (FIJM)