13 avril 2019

Le mal de dos se fait ressentir, le couplet bière/frites fait office de petit-déjeuner… oui, j’entame le troisième jour du festival, et si ça commence à tirer de partout, l’excitation est toujours aussi présente. Cette journée attaque sur les chapeaux de roue avec la prestation tant attendue de Have a Nice Life, groupe iconique et pourtant très secret de la scène shoegaze/post-rock/expérimentale de ces dix dernières années. Iconique car c’est seulement en deux albums que le groupe s’est forgée une réputation indéniable dans le milieu “rock alternatif” mais secret car le groupe ne fait quasiment jamais de concerts; on peut en effet les compter sur les doigts d’une main en dix ans. C’est donc à quelque chose d’assez exceptionnel que nous allons assister ce samedi. Et si, une fois de plus, la Koepelhal porte préjudice à la prestation, faute d’un bon son, c’est vrai que ce sera 1h de show intense, diversifié, avec des visuels prenants et qui changent de ce que l’on voit d’habitude, tant dans le fond que dans la forme (c’est un mec qui fait ça en live sur son ordi sur le côté de la scène). Alors ok, ils n’ont pas joué le morceau que j’attendais tant (Burial Society) mais le set, bien varié – à l’image de leur musique -, a définitivement bien lancé la journée.

Ce sera ensuite pour moi 3h d’errance entre la Green Room et Fontän qui m’a rappelé pas mal de choses, dont Ratatat parfois – étonnamment – de par ses sons électro et psyché à la fois (le groupe est un trio guitare, basse, machines), la Main Stage et Wolvennest dont on entend pas mal parler ces derniers temps mais qui m’en a honnêtement touché une sans faire bouger l’autre, le Hall of Fame et Noisepicker que j’avais sélectionné mais je n’ai pas compris pourquoi, et enfin la Main Stage de nouveau pour Sumac qui, malgré la puissance de leur musique et les fameux noms derrière le projet (Nick Yacyshyn de Baptists, Brian Cook de Russian Circles et Aaron Turner de Isis), me laissera lui aussi dans une indifférence totale. Je ne dénigre pas les compos ou le talent, mais bordel qu’est-ce que ça manque de cœur tout ça… C’est donc légèrement blasée et fatiguée que je me rends à la Green Room pour The Exorcist GBG, groupe on ne peut plus excitant sur le papier. Trio d’électro/psych aux multiples influences dont le giallo ou de manière générale les films d’horreur à l’ancienne en mode Goblin ? Je dis oui, et je n’ai pas regretté. Pendant 50 minutes, le groupe aura réussi à donner le sourire à une bonne partie de la salle et même à la faire danser ! Il faut dire que c’était pas évident de résister à cette basse ultra funky, ce synthé qui nous envoie des sons tout droits sortis des 80’s, le tout rythmé par une batterie présente mais qui n’étouffe pas le tout. Du coup, pendant ce temps, on oublie presque qu’on est au Roadburn, on se croit dans une boîte de nuit de bon goût, et on kiffe. Merci donc à eux d’avoir allégé cette journée !

Terzij de Horde par Paul Verhagen

Après ça je me rends à Het Patronaat pour une toute autre ambiance car je vais assister à la prestation de Terzij de Horde, groupe de black métal aux multiples influences, du doom au hardcore. Me découvrant un goût certain pour la scène black métal ces derniers temps après des années de reniement, c’est un peu quitte ou double avec moi, mais le groupe l’a emporté haut la main. En effet, la musique de la formation néerlandaise est aussi efficace que diversifiée, et quand je regrettais un manque de cœur chez certains, on ne peut pas dire ça ici. Il est clair que Terzij de Horde vit sa musique à 200%, et notamment le chanteur qui transmet une émotion palpable. Il faut dire que quand on creuse un peu, on voit qu’il y a un vrai concept cathartique chez le groupe, et ça se ressent. Je ne regarderais pas le concert jusqu’au bout car il est temps de revenir à la Main Stage pour Sleep mais validation certaine pour le groupe.

Tête d’affiche de la journée, et du festival on peut le dire, le célèbre groupe de stoner/doom californien est sur toutes les vestes, sacs, casquettes et t-shirts depuis trois jours. Il faut dire que le groupe ne sort pas beaucoup d’albums (5 en 27 ans) et Sciences, successeur de Dopesmoker, a mis 15 ans à paraître, donc c’est légèrement attendue comme date. Bref, ça fume pas mal de joints chez Sleep et ça se la coule douce. Mais quand ça joue, ça joue pas à moitié. C’est donc armé d’une dizaine d’amplis que le groupe vient jouer Holy Mountain, sorti en 1992, et sur lequel apparaît la fameuse Dragonaut; et dès les premières notes, on s’en prend plein la tronche. Déflagration de guitare, de basse et de batterie; c’est lourd, lent, ça fait mal au cou, et c’est parti pour 2h.

Sleep par Paul Verhagen

Mais je quitte la salle au bout de la première car ils jouent de nouveau le lendemain et que je voudrais bien voir ce que donne Louise Lemón sur scène. Elle aussi c’est une découverte de la prog’, une de celles en bleu dans mon code couleur allant de rouge à bleu en passant par vert selon l’envie de voir sur scène. Je suis un peu dubitative face à ce qu’elle renvoie (cartes postales d’elle et seulement elle en tenue sexy et ultra maquillée font notamment partie de son merchandising donc elle me semble légèrement égo centrée), mais également curieuse car son album a été enregistré dans les studios de Randall Dunn, par lesquels sont passés Chelsea Wolfe et Sunn O))), rien que ça. Alors au diable les préjugés, je veux lui donner une chance. Bon, et bien je vais vite déchanter. En effet, malgré sa belle voix (mais déjà bien trop entendue), sa robe clinquante et le mec en toge qui dispersera sa fumée d’encens façon cérémonie de magie noire en début de concert, et donc tout ce qu’il faut pour me plaire, tout cela sent beaucoup trop le faux et le re faux. Du coup je me dis qu’il n’y a rien à rater, je sors de la Green Room précipitamment et cours jusqu’à la Hall of Fame où va jouer Bellrope, un de mes coups de cœur en rouge du festival. J’arrive juste à temps, le concert ayant déjà commencé mais la foule post Sleep n’ayant pas encore débarqué (elle n’arrivera qu’à la fin), et je me trouve une bonne place près du bar pour profiter pleinement de ce qui sera le deuxième concert de mon top 3 du Roadburn édition 2019. Quelle claque ! Il m’aura fallu moins de trente secondes pour me mettre dans l’ambiance et je ne vais pas en sortir avant la fin (et même après). Car si j’apprécie la diversité de la programmation, quelle joie de voir (enfin) un groupe aux vraies influences doom, avec pour mots d’ordre “lourdeur” et “intensité”. C’est plutôt crade et noise mais c’est super bien exécuté et le groupe prend autant son pied que le public. Une petite heure de pur bonheur où les sourires sur les visages feront concurrence à la sueur et aux craquements de nuques. Le groupe allemand, sous le nom de Black Shape of Nexus, avait déjà laissé une trace indélébile sur le Roadburn après leur passage en 2008, et bien je pense pouvoir assurer qu’ils ont cette fois-ci passer la seconde couche. Merci à eux.

Après cela, c’est simple, plus rien ne peut m’atteindre. J’ai mal partout mais je suis heureuse comme jamais et je sautille dans tous les sens. Et alors que je pense avoir 40 minutes devant moi pour redescendre avant Uran GBG, je passe devant le Ladybird Skatepark et vois une foule attroupée là. Je me renseigne et on me dit que Thou va jouer son set de reprises. Parfait, ça me fera patienter en bonne compagnie. Finalement, je n’irai jamais voir Uran GBG car j’ai confondu les salles et les horaires (no comment), mais aussi et surtout car le concert de Thou à ce moment-là fût certainement le plus excitant du festival. En mode punk et Misfits, le groupe aura réussi à transformer l’endroit en maison des jeunes en 2 secondes chrono et à faire danser, rire et sourire tout un parterre de doomeux qui, s’ils sont sympathiques, ne sont pas les rois de la sympathie affichée… Du coup ça pogote dans tous les sens, ça slamme, y compris parmi les membres du groupe, et tout le monde prend son pied pendant une heure. Tout ce qu’il me fallait pour finir cette soirée fortement houblonnée et pleine d’émotions. Dimanche, dernier jour, je t’attends !


14 avril 2019

Dernière ligne droite du festival. Claques, déceptions, bonheur, ennui, je suis maintenant passée par tous les stades et donc je suis prête à tout. Sauf à ce qui m’attend. Aujourd’hui aussi le festival commence avec un set de Have a Nice Life, et pas des moindres, le groupe venant jouer l’intégralité de son mythique album Deathconsciousness. C’est donc vers une Main Stage étonnamment peu remplie que je me dirige, et alors que je m’apprête à me nourrir de la mélancolie inhérente au groupe, c’est tout l’inverse qui se produit. En effet, certainement déjà trop saoule pour la prestation (il est 14h, je sais, mais on ne juge pas), je passe le concert à me fendre la poire en bonne compagnie plutôt que de me plonger dans l’ambiance. Autour de moi, des gens se prennent (littéralement) la tête et pleurent alors j’imagine que ça a fonctionné pour certains mais très peu pour moi. Enfin objectivement, c’était quand même une fois de plus très intéressant visuellement parlant (avec notamment un morceau avec des visuels en 3D mais je n’ai pas fait partie des chanceux qui ont reçu les lunettes adéquates pour apprécier le tout pleinement), mais définitivement le comportement de post ado torturé de Dan Barett, ainsi que sa voix (oui, il chante faux la plupart du temps), m’ont poussé à quelques moqueries pleinement assumées…

Après ça, j’ai entrevu MJ Guider dans la Green Room, juste le temps de me rendre compte que je n’étais pas dans l’ambiance pour ce genre de musique même si ça avait l’air très chouette, je suis rentrée dans la Main Stage pour confirmer que je n’aimais pas Daughters, et j’ai un peu vu de Mord’A’Stigmata dans la Het Patronaat, histoire d’entendre un peu de black aujourd’hui.

Mord’A’Stigmata par Paul Verhagen

C’était pas mal du tout d’ailleurs, bien exécuté tout ça, mais ça manquait cruellement de cœur, une fois de plus. Et quand je dis cœur, je n’entends pas de l’amour – on parle de black métal tout de même – mais quelque chose qui se dégage et qui soit autre que de la technique merde…

Enfin de toute façon c’est déjà l’heure de Thou et je décide de me diriger vers la Main Stage bien en avance, histoire d’être sûre d’avoir une bonne place. La dernière fois que je les ai vu, c’était il y a presque deux ans à San Francisco, et c’est un souvenir magique que cette soirée. Et bien ce dimanche 14 avril restera aussi gravé dans ma mémoire, ce concert détrônant la troisième place de mon top du Roadburn. Le groupe de Louisiane entame ce soir son quatrième set du festival (après un acoustique que j’ai raté mais qui était apparemment assez décevant, celui avec Emma Ruth Rundle et celui de reprises dont je parlais plus haut) et définitivement le meilleur. Ils jouent cette fois l’entièreté de Magus, leur dernier méfait sorti l’été dernier sur Sacred Bones Records. Groupe à géométrie variable, on ne se lasse pas des allées et venues de musiciens divers et variés, dont cette fois la chanteuse qui était plus tôt sur scène avec MJ Guider au clavier (elle-même participant au projet de temps en temps). Cinquante minutes donc, et un même nombre de claques dans les dents, tant on a droit à une performance exécutée autant avec talent technique qu’émotions. Car c’est là que je voulais en venir plus tôt : on ne peut pas dire que Thou fait dans la dentelle, loin de là, mais de leur musique se dégage quelque chose qui touche et émeut. Et pour moi c’est ça le vrai talent. C’est bien beau de se branler sur un manche de guitare mais si ça ne me hérisse pas le poil, je n’en vois pas l’intérêt. Enfin les goûts et les couleurs… Bref, tout ça pour dire que la formation sludge a une fois de plus remis les pendules à l’heure et pas mal de monde est sorti de là le sourire aux lèvres. Moi la première.

C’est tout logiquement que je n’ai pu assister au concert de Marissa Nadler en suivant, celui-ci ayant lieu à la Het Patronaat et la file aillant jusqu’au stand de frites; et c’est loin. Du coup j’attends plus ou moins sagement Old Man Gloom en allant faire un tour au merch‘ et je reviens à la Main Stage pour la claque annoncée.

Old Man Gloom par Paul Verhagen

Bon, au final, Old Man Gloom et Sumac, même combat : c’est technique, c’est bourrin, mais c’est chiant comme la pluie. Je reste malgré tout jusqu’au bout mais je reste également indifférente. Deuxième essai, deuxième raté; désolée Aaron, mais on n’est pas fait pour s’entendre visiblement (je n’ai jamais été une grande fan de Isis non plus). Je prends le temps de manger, puis c’est déjà l’heure du deuxième set de Sleep, celui où le groupe va jouer son dernier album en date en intégralité. Déjà vu la veille, mais aussi il y a un an pour la présentation sur scène de ce dernier, je n’ai donc aucune surprise et part au bout de trente minutes pour tenter de voir Birds In Row à la Het Patronaat. Si je ne m’abuse, Birds In Row est le seule groupe français de la programmation, et si je ne suis pas patriote, loin de là !, ça fait quand même plaisir de savoir que le Roadburn se penche sur notre cas. Malheureusement, je crois que je suis éreintée et que plus rien ne peut m’atteindre à cette heure, et c’est donc sur fond de fatigue que je regarde quelques morceaux du groupe lavalois. Pourtant là il y a du cœur, de la technique, de la recherche musicale et esthétique (un écran en fond montre en slow motion l’auto shibari d’une nana et c’est de toute beauté), mais c’est comme si tout cela glissait sur moi sans m’atteindre. Mention spéciale tout de même au message de tolérance lancé par le chanteur et que l’on entend trop peu souvent dans la scène. On se revoit une autre fois dans un autre contexte, promis.

Un dernier tour au merch‘ et le festival s’achève pour moi. Il y a eu pas mal de déceptions, beaucoup de découvertes, mais avant tout des beaux moments – humains ou non -, une météo délirante entre t-shirt au soleil et neige, de la bonne bouffe (merci les stands végé et végan de vous développer un peu plus chaque année), et surtout une appréciation toute particulière une fois de plus pour l’orga qui, si elle fait des erreurs (les gobelets en plastique encore en 2019, vraiment ?!), fait en sorte que tout se déroule le mieux pour tout le monde et c’est grandement réussi. Du coup, même pas peur de la foule, Roadburn, je ferai tout pour être de nouveau dans tes bras en 2020.

Doom, love, et autres joyeusetés.

Auteure : Hélène

Crédit photos : Paul Verhagen