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07 octobre 2011 – La salle Wilfrid-Pelletier, malgré sa magnifique construction et son acoustique très respectable, n’est certainement pas conçue pour des spectacles de métal : immense superficie, loges, sans parler des bancs. Si, pourtant, il existe un groupe de métal capable de livrer une performance du tonnerre dans cet environnement, c’est bien la royauté du métal progressif : Dream Theater. Quelle joie, donc, en apprenant que ces vétérans du prog venaient justement le 7 octobre nous faire fondre le cerveau dans cette même salle.

Surprise, le groupe qui ouvrirait pour Dream Theater serait nul autre que le très thrashy Trivium, connu davantage pour son habileté à créer des mosh pits en claquant des doigts. Énorme contraste, déjà, et la commande est gargantuesque pour ce quatuor mené par le guitariste/chanteur Matt Heafy : en effet, non seulement ils ont dû jouer dans une salle où, en général, les gens demeurent assis (vous avez déjà essayé de partir un pit dans des bancs? Moi oui, et c’est pas pour les fillettes), mais en plus, ils se sont heurtés à un public de fans de métal progressif, souvent des amoureux de musique intellectuelle qui, avouons-le, lèvent le nez sur les chansons de moins de 7 minutes et sur les rythmiques qui se comptent sur les doigts d’une main. Bref, comme je dirais à un quadraplégique qui fait la course contre un kenyan : « Y’en aura pas de faciles ».

Malgré le défi qui les attendait, les membres de Trivium m’ont vraiment impressionné. Une setlist varié, un niveau d’énergie digne d’un caféinomane hyperactif, une performance technique très tight, bref, du Trivium à son meilleur. Et là où leur professionnalisme se manifeste, c’est dans leur façon de gérer la foule et de s’adapter à un public assis, peu communicatif. Pour citer Matt Heafy dans une de ses interventions :  “The whole point of a Trivium show is to have a great time. Do it however you want, may it be by headbanging, moshing, pumping your fist or tapping your foot, but we want you to have a blast.” Il faut croire que cette attitude a fini par séduire son monde. De fait, à la fin de leur prestation, la foule était beaucoup plus réceptive qu’au début.

Dream Theater ont la réputation de ne pas faire les choses à moitié. À l’arrière de la scène, trois immenses cubes servent pour des projections vidéo, dont celle introduisant le groupe : sur un fond de Hans Zimmer, les membres du groupe version cartoon se dirigent vers l’avion privé de Dream Theater. Rudess en magicien, Petrucci en dieu scandinave, Mangini en génie, Labrie en pirate et Myung en ninja furtif. Hilarité générale dans la salle devant tant de clins d’œil au groupe. Au menu, un début format géant avec une entrée sur « Bridges In the Sky ». Et la foule, qui était restée assise, se lève d’un coup. Il faut rendre à César ce qui est à César : le groupe sonne comme une tonne de briques. Si tous les membres livrent une performance gonflée à bloc, c’est à Mangini que revient la palme : sur le trône qu’autrefois occupait Mike Portnoy, il réduit à néant tous les doutes qui pouvaient subsister quant à sa performance scénique. Il frappe comme un dément, et le solo de batterie qu’il a offert rendu au tiers du set m’a cloué sur place.

Si je ne peux pas critiquer le déploiement d’énergie et l’intensité technique des musiciens, je m’interroge tout de même sur le choix des chansons. Après une première moitié explosive (dont le classique presque aussi vieux que moi, Ytse Jam), un interlude acoustique calme le jeu et la salle. Si selon moi les balades de Dream Theater n’ont jamais été leur grand fort, ils ont quand même un répertoire important de morceaux calmes et riches à la fois, alors que leur choix, dans ce cas-ci, s’est arrêté sur « Wait For Sleep » et « Far From Heaven ». Quand « Outcry » a suivi, je dois avouer que le niveau a remonté assez raide pour la seconde moitié du spectacle, encore une fois explosive. Une autre ombre sur le tableau : le choix du rappel. Alors que le groupe a joué le single de leur dernier album pendant le set conventionnel, « On the Back on Angels », ils ont joué « Pull me Under » pour le rappel. Comme les deux pièces se ressemblent beaucoup sur le plan structurel, ambiant et rythmique, on aurait été en droit de s’attendre à un autre de leurs grands classiques.

Au final, un spectacle solide qui aurait pu faire de nouveaux fans, si la salle elle-même n’était pas conquise d’avance.

Le bon : Beaucoup d’énergie, excellente utilisation du multimédia, du « fan service » à profusion, la structure du spectacle.

Le moins bon : Le choix de certaines chansons (encore que, 10 minutes sur un spectacle de 90 minutes, ce n’est pas la mer à boire)

Auteur : Alex Luca

Photographe : Paul Blondé

Pour en savoir plus : Dream Theater, Trivium