Vendredi, la foule qui se dirigeait vers l’antre des Canadiens de Montréal avait indéniablement une moyenne d’âge plus élevée que celle qui s’y dirigerait pour assister au concert d’une nouvelle vedette musicale comme Dua Lipa un peu plus tôt cette année. Le trio britannique Depeche Mode, étoile de la new wave des décennies 80 et 90, réussit encore à remplir des stades, malgré l’essoufflement de l’attention du public sur leur musique. L’air frais nous fouettait le visage, contrairement à l’intérieur du Centre Bell, ou il y faisait tellement chaud que nos manteaux ont quitté nos épaules assez rapidement pour être rabattus sur notre siège, même s’il était seulement rempli à la moitié de sa capacité à ce moment-là.

Le groupe d’entrée ne m’a pas impressionnée, je dois l’admettre. DIIV (prononcé dive, comme plonger en anglais) est un groupe d’indie rock américain comme nous l’avons souvent vu. Les images projetées sur les mini écrans géants semblaient vouloir leur donner un côté edgy, comme des images de paysages avec un effet sépia, ou en augmentant le nombre de grains dans les images, un peu comme si l’on était à un concert de Godspeed You ! Black Emperor. Leur son me rappelait aussi des groupes de rock industriels à la Nine Inch Nails, ou encore un son des fois pop à la Arcade Fire. Certaines chansons plus lourdes comme Taker ont attiré mon attention, mais je crois que la foule qui commençait à remplir le stade avait la même mentalité que moi : nous avons applaudi de façon polie, mais la formation n’a pas réussi à faire lever la foule.

Vers 20 h 50, le groupe que nous attendions tant vient enfin sur scène sur l’intro instrumentale de Speak to Me avant d’enchaîner avec My Cosmos Is Mine, de leur nouvel album Memento Mori, avec des projections de coups de pinceau sur le M géant derrière les Britanniques. Wagging Tongue suivait, une autre nouvelle chanson du nouvel album, ce qui fait que le départ de la soirée commençait sur une note assez faible, selon moi. Selon la foule, puisque plusieurs étaient venus pour entendre de plus vieux morceaux des anciens opus, il semblerait que je n’étais pas la seule à le penser. L’enthousiasme a commencé à devenir palpable seulement au cinquième morceau de la soirée, Policy of Truth, de leur album Violator. Enfin les gens se sont levés, ont dansé et chantés en suivant un des maestros de la soirée, le chanteur Dave Gahan.

Vers le milieu de la soirée, Gahan quitte la scène alors que le multiinstrumentiste Martin Lee Gore, le principal compositeur et second chanteur du groupe, prend le relais pour chanter un Dressed In Black acoustique. Bien que le moment fût nécessaire pour faire reposer le chanteur principal, ce fut à mon avis un des moments les moins enlevants de la soirée. Surtout les gens du parterre partageaient le moment avec Gore, alors que les gens dans les gradins se rassoyaient.

Dave Gahan revint sur la scène et a échangé son veston rouge pour un autre veston noir recouvert de paillettes. Malgré qu’il ait soufflé ses soixante et une bougies cette année, le chanteur débordait d’énergie, tournoyait sur lui-même et m’a fait décrocher la mâchoire plus d’une fois par ses prouesses vocales, alors qu’il faisait voler le support de son micro avec lui. Il a sûrement atteint ses dix mille pas quotidiens pendant les deux heures du spectacle seulement.

Le moment le plus touchant de la soirée fut sans conteste le moment où les Britanniques ont chanté un World In My Eyes bien senti, avec une photo d’Andrew Fletcher en noir et blanc derrière la formation. Au départ de la chanson, Fletcher avant les yeux ouverts et n’avait pas ses lunettes, un peu comme au début du groupe dans les 80 et 90. Puis, les lunettes ont commencé à apparaître, ses yeux se sont fermés et sa main lui recouvrait une partie de son visage, alors que sa mort violente en 2022 d’une dissection aortique chez lui a laissé un trou béant dans Depeche Mode. Les admirateurs ont enseveli le groupe d’applaudissements bien nourris, une sorte de moyen pour le public de leur dire qu’ils sont toujours contents de voir encore deux des membres originaux du groupe sur scène.

Enjoy The Silence était très attendu du public, et bien sûr que les spectateurs se sont levés pour se faire mener par la voix chaude et chaleureuse de Dave Gahan et entonner une des chansons qui a marqué plusieurs générations depuis sa sortie en 1990. La foule en délire scandait « Jesus! Jesus! » alors que les quatre musiciens quittaient la scène avant de revenir pour leur rappel qui a été, ma foi, assez substantiel. Just Can’t Get Enough, Never Let Me Down Again, ma préférée, et enfin, Personal Jesus en version acoustique au départ avant d’entamer la version studio pour satisfaire les exigeants qui l’attendait depuis près de deux heures et ainsi donc finir sur une excellente note. Les fanatiques continuaient de scander « Encore ! » pour ravoir un dernier rappel et même de chanter des chansons de partisans sportifs, pour apporter l’ambiance d’une partie de hockey dans l’amphithéâtre. Pas de chance, les lumières se sont rallumées et nous ont réveillés de notre rêve devenu réalité pour plusieurs d’entre nous : voir Depeche Mode performer. Et toute une performance ce fut !

Journaliste: Marie Lou Plante

Photographe: Paul Blondé (archives Thorium Mag)