Quand tu t’appelles Dan Briggs et que ta principale fonction dans la vie, c’est de jouer la basse dans le groupe Between the Buried and Me, la communauté musicale a tendance, de base, à t’identifier comme un gars potentiellement bien éclaté. C’est pourquoi personne n’a été surpris outre mesure quand le bassiste en question a sorti son album de jazz fusion Separate Realities avec son projet Trioscapes, accompagné de Walter Fancourt au saxophone et de Matt Lynch à la batterie. En voyant qu’il n’y aurait ni guitare ni clavier, je sentais que j’allais me lancer dans de la bizarrerie format géant. Et je ne peux pas dire que j’ai entièrement eu tort.

L’album ouvre avec l’explosive Blast Off, et ça sent dès les premières secondes le gros jazz fusion sale à plein nez : une basse qui court partout, du riffing de saxophone accoté, une batterie sur 8 sortes de stimulants différents. Presque hyperactive, c’est une des pièces plus joyeuses de l’album.

Suit Separate Realities, pièce éponyme durant 11 :27, plus sombre, voire carrément malsaine.

Curse of the Ninth, la troisième piste, crée une toile très riche harmoniquement, avec un thème récurrent envoûtant.

Wazzlejazzlebof, aussi éclectique que son nom le laisse entendre, est une pièce aux textures ambiantes chargées, avec des rythmes mystiques, qui finit par aboutir dans un espèce de jazz bien sale.

Celestial Terrestrial Commuters, une autre des pièces un peu plus joyeuses, tombe dans un son un peu plus funk, avec des sons de basse qui rapelleront du Les Claypool par moment.

Pour finir, Gemini’s Descent est une pièce un peu trippy, assez gentille, basée sur une ligne de basse en 5/4.

Mais de décrire chaque chanson individuellement ne rend pas forcément justice à l’œuvre. Trioscapes chevauche jazz, métal, fusion et funk avec beaucoup de flair. Une pièce peut commencer avec une atmosphère très posée, calme, pour plus loin tomber dans des patterns beaucoup plus inspirés du métal où le saxophone roule avec de la distorsion et la basse avec un fuzz bien gras, pour retomber sur un autre pattern plus fusion-esque peu après. Et pour compenser l’absence de guitare et de clavier, on a parfois plusieurs couches d’instruments, chacune avec sa propre section à jouer. Bref, l’ensemble sonne très tight, très riche, et même si on a l’impression de chevaucher plusieurs genres, le tout est excessivement cohérent. Mieux, les chansons ont toutes un caractère unique et, malgré le genre un peu flyé, elles s’accrochent au cerveau et refusent de lâche prise. À vous de voir si c’est un effet secondaire désirable, mais le présent reviewer trouve ça fantastique.

Trioscapes “Blast Off” by Metal Blade Records

Note : 9/10

Auteur : Alex Luca