Écouter du Fates Warning, c’est revenir 30 ans en arrière. Même sur les productions récentes, le tout sonne comme mes vieux albums d’Iron Maiden : ça sent les cheveux longs, les pantalons serrés qui font chanter une octave plus aiguë, et une légère odeur de boule à mite rappelant quand on sort du vieux stock du fond de son garde-robe. La comparaison avec la bande à Steve Harris s’arrête là, cependant, car au lieu de créer des hymnes galopants et épiques, les membres de Fates Warning font dans du bon vieux prog. Et quand je dis vieux, je dis assez vieux pour avoir servi d’influence à Dream Theater quand ceux-ci ont commencé. On est donc loin des chansons de 10 minutes aux structures éclatées et des prouesses techniques à plus finir qu’on associe de nos jours au mot « prog ». Au contraire, tous les éléments pour des chansons « radio-friendly » (ou du moins, « radio-friendly » pour les années 80 et les CHOM FM de ce monde) sont là : un chant bien présent, des harmonies digestes, des mélodies assez accrocheuses, aucune séquence technique superflue. Ce qui colle l’étiquette « Prog » à Fates Warning, c’est la simplicité avec laquelle les signatures de temps non conventionnelles s’entremêlent pour construire des textures très subtiles. Composer une balade truffée de 5/4 mais dont la rythmique semble parfaitement naturelle, ce n’est pas à la portée de tout le monde.

Le son lui-même n’a pas changé à travers les années. Contrairement à beaucoup de groupes dont le son a évolué pour atteindre un niveau beaucoup plus moderne, les membres de Fates Warning conservent exactement les mêmes sonorités qu’à leurs débuts. Les guitares sonnent mince comme une feuille de papier, la basse est punchée, le treble est dans le tapis, le bass drum est tout doux. C’est à peine si la qualité de la production a changé avec les années.

Fates Warning est donc une bête bien étrange : ça sonne comme n’importe quel groupe de rock des années ’80 au premier plan, mais si on se penche sur le châssis des riffs, on se rend compte que ceux-ci sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. On est donc à l’opposée de la mode actuelle qui voit apparaître plein de jeunes musiciens valorisant la complexité à tout prix, désireux de coller l’étiquette prog à chacune de leurs compositions, et pourtant incapable de jouer quoi que ce soit de décent ou écoutable. Étonnamment, ils jouent tous un dérivé de hardcore. Bref, fermons la parenthèse, et revenons à nos grands-papas du prog. Ceux-ci refusent d’adopter les conventions modernes pour tout ce qui est son ou composition et gardent leurs caractéristiques signatures. Ça, c’est tout à leur honneur.

L’album Inside Out est un digne représentant de la discographie de Fates Warning. Avec des balades comme Island in the Stream, des singles comme Pale Fire (dont le chorus nous fait avaler une belle couleuvre en 7/8, tout de même!) ou des chansons fantastiquement proggy comme « Monument », c’est un album complet qui représente plutôt bien l’étendue musicale que les musiciens derrière Fates Warning sont capables d’aller chercher.

La version Extended de l’album « Inside Out » comprend aussi une version live de l’album. Malgré une acoustique qui rend moyen, cette bande de vieux routards sonne incroyablement tight. La version live, en tant que tel, n’apporte pas une meilleure compréhension, forcément, des pièces. Il n’y a pas de grand jeu entre le groupe et le public, ce qui est un des rares intérêts des versions live. Même si Ray Alder, le chanteur, y met de l’énergie, le public est amorphe et assez timide.

Pour finir, cette version inclus aussi une version démo de l’album. Cette démo, mis à part quelques petites surprises dont je vous laisse le plaisir de la découverte, ne rehausse pas vraiment l’intérêt de l’album. Exception faite des fans fous furieux (et des reviewers obsessifs-compulsifs), il y a peu de personnes qui vont se rouler en boucle la démo. La version remasterisée est nettement plus intéressante.

Fates Warning “Pale Fire (Remastered)” by Metal Blade Records

Note : 7.5/10

Auteur : Alex Luca