Dubstep, sueur et acouphènes : immersion chez les Bloody Beetroots @ Théâtre Fairmount (Montréal)
Avant de commencer, j’aimerais dire que je n’avais pas demandé l’accréditation pour ce concert. Puis un jour, mon copain me dit qu’il a pris son billet pour un concert d’électro-punk : les Bloody Beetroots qu’il écoutait pendant ses années collège. Courriel de relance, le groupe est le premier dans la liste des spectacles de mai ; ma curiosité a été assez piquée, alors je m’inscris. J’obtiens l’accréditation assez facilement et je n’en fais rien. Je rentre dans l’enceinte du Théâtre Fairmount sans m’être renseignée ni avoir écouté aucun son de Sir Bob Cornelius Rifo.
Nous arrivons dans la salle, peut-être 10 minutes après que Bob soit monté sur scène et je ressens déjà les basses dans mes pieds. Ce qui m’attrape en premier c’est l’ambiance : le public est en feu, ce qui est surprenant pour un début. L’énergie est brute, immédiate et prend des airs de frat party. Impossible de ne pas penser aux clichés de soirées en club qu’on voit dans les films, où tout est exagéré pour signifier que la fête est folle. Le son est massif, gras, rapide et je ne sais pas pourquoi, mais ça fonctionne.
Le set navigue entre des influences très marquées : dubstep survolté, drops EDM attendus mais efficaces, touches de rock et même de métal. C’est un mélange assumé, parfois bordélique. Par contre, il passe d’un univers sonore à l’autre trop brutalement. Certaines transitions sont si rapides qu’on a à peine le temps de se caler sur un rythme qu’il est aussitôt remplacé par un autre. C’est intense et souvent déroutant, si bien que je me demande, à certains moments, si ce n’est pas du troll. Je sens une volonté de provoquer, de désorienter, de jouer avec le public — et ça marche.
Bob ne se contente pas de mixer. Avec son masque, il performe. Il saute partout et fait crier le public en rythme. Il a les gestes d’une rockstar, les attitudes d’un showman à la Mick Jagger, et les acrobaties d’un Spider-Man techno. Son énergie est communicative, excessive parfois, ce qui me fait me poser des questions sur sa sincérité. On sent qu’il s’amuse, peut-être un peu trop, au point qu’on ne sait plus si c’est de l’euphorie ou du pur chaos. Mais au final, on bouge, on sourit, et même si c’est n’importe quoi, ça fait sens pour son personnage. Il maîtrise ses machines, cale des backspins avec précision, et injecte régulièrement des riffs de guitare dans son set.
Par moments, les influences sont flagrantes – Skrillex, Subtronics, The Prodigy. Ce mélange d’électro rock, de dubstep, de métal me rappelle les grosses scènes EDM de la décennie précédente. Bob joue avec les codes de l’époque, les détourne, et les amplifie. Je suis sûre que dans sa tête, il est sur la main stage de Tomorrowland en 2012.
Il y a une vraie esthétique du kitsch, mais dans le bon sens : c’est assumé, référencé, et assez généreux. C’était ma première fois avec les Bloody Beetroots. Ni connaisseuse de dubstep, ni familière de cette scène, je me suis laissée porter par l’énergie du moment. J’ai dansé, ri, sauté et été surprise. Ce concert m’a rappelé le plaisir de plonger dans l’inconnu, de découvrir un univers sonore nouveau et de se laisser embarquer. J’ai aimé comme j’aime les brainrots sur Instagram, dans leur lourdeur, leur manque de sens. Même si c’est bête et décousu, ça fait toujours rire. Bob est l’incarnation parfaite de Tralalero Tralala. Je me couche avec des acouphènes mais ça en valait la peine.
Journaliste: Léna Dalgier
Photographe: Paul Blondé