Affichant complet le dernier soir, le festival de la Messe des Morts 2024 a offert une bonne dose de black métal aux nombreux amateurs du genre réunis, voyant notamment Marduk se produire non pas deux mais trois fois, et des prestations remarquables de Necrophobic, Misþyrming, Merrimack, Warmoon Lord ou encore Ancient. Une édition marquée par de nombreuses controverses, et des perturbations dans la programmation.

Génèse – Jour 1

Le groupe de Québec Asgard brisait la glace du premier soir à coup de hache viking, dans la grande tradition corpse-paint et bracelets cloutés, suivi dans un genre différent des américains de Desolate, un groupe formé dans les années 90, aux accents death metal appuyés avec lourdeur.

Les français de Ritualization ont alors enfoncé les clous dans un rituel de black death très sombre, sorti des profondeurs de l’abysse infernale, où se perdait parfois le son. Ils étaient suivis d’un nom très attendu, légende du métal noir, Akitsa. Envoyant une des prestations les plus punks de la fin de semaine, avec un son crade mais plus efficace et rentre-dedans que tous les autres groupes, faisant réagir beaucoup de fans dans le public, chantant leurs hymnes dans un moshpit où s’affrontent une poignée de guerriers.

Et puis, la surprise du jour. Suite à l’annulation de Sargeist, c’est nul autre que Marduk, à peine arrivés de l’aéroport, qui accepte de faire un concert surprise (ou comme dirait Ultra Vomit, une Panzer Surprise ?). Sachant que le groupe devait déjà headliner les deux autres soirs, les voici qui prennent alors le premier d’assaut, avec un généreux troisième concert. Et avec un certain recul, celui-ci aura eu une aura unique : l’aspect spontané, dernière minute, l’étrange contexte des annulations et controverses, le chaos ambiant, l’heure tardive un jeudi soir avec une audience plus réduite. Il y avait une saveur spéciale dans cette performance, des titres de Viktoria à World Funeral ou The Blonde Beast.

Psaume I – Jour 2

La formation de Québec, Dépérir, ouvrait la deuxième journée dans une noirceur maîtrisée, suivit d’une première en Amérique du Nord présentée par le festival, les Islandais de Naðra. Et encore une fois, force est de constater que cette petite île volcanique crache décidément des musiciens intenses et talentueux, délivrant une musique singulière, notamment ce chanteur possédé utilisant un registre vocal remarquablement varié.

Un moment attendu était la prestation de Warmoon Lord, et les Finlandais ont bien livré la marchandise, avec la touche symphonique mélangée à la griffe d’un classicisme de corpse paint et d’armures, un concert captivant. Sans réinventer le pentagramme, Warmoon Lord y fait très bien honneur, portant le flambeau d’un style culte.

Suite à l’annulation de Horna, c’est les français de Merrimack qui ont accepté de jouer un deuxième concert, plus centré sur leurs débuts. Le côté peut-être plus spontané, et plus old-school des chansons ont en fait un excellent set, presque meilleur que leur set prévu le lendemain.

Les légendes norvégiennes de Ancient étaient de retour à la Messe des Morts, cette fois pour présenter The Cainian Chronicles. Une bonne prestation encore, avec la projection (vidéo!) de flammes sur l’autel de l’église en arrière. Même si cet album est plus mélodique et symphonique que leurs classique Svartalvheim, l’exécution en concert s’avère plus brute, et ressort de manière plus traditionnelle dans les riffs malsains, très efficace.

Marduk investit alors la scène pour son deuxième scène centré sur l’album Plague Angel, rajoutant également des pièces de Rom 5 :12. Et que ce soit sur scène ou dans le public, plus de subtiles mélodies ou d’atmosphérique, place à la guerre et au moshpit le plus brutal, créé par des bombes comme Throne of Rats ou Azrael. Dommage pour le son un peu brouillon, mais la puissance de feu de Marduk ne manque pas, et conclue en violence cette deuxième soirée.

Psaume II – Jour 3

La jeune formation québéco-autrichienne Détresse ouvrait le bal du troisième soir, un trio bien énergique imprégné de la tradition scandinave. S’en suivait un nom maintenant reconnu du métal noir québécois, le groupe Ossuaire, haineux à souhait dans son rituel, ses hymnes et « Premiers Chants », ravissant des hordes de nombreux fidèles dans cette dernière soirée à guichets fermés.

Les Français de Merrimack montaient alors sur scène pour leur deuxième prestation de la fin de semaine, livrant encore une bonne performance, mais peut-être moins marquante que celle de la veille, avec quelques longueurs, malgré l’expérience du groupe et la bonne présence de leur hurleur.

De retour à Montréal, les Islandais de Misþyrming ont profité de l’occasion pour offrir un set un peu plus long, montant le niveau d’intensité à la hauteur de leurs compositions envoutantes et leurs riffs mélodiques remarquables. Dommage pour un son encore confus qui empêche d’apprécier les subtilités de leur art. Un groupe qui se démarque par sa noirceur maîtrisée dans les moindres recoins, et des musiciens qui se donnent à fond sur scène, loin d’être statiques, et même pas perturbés par les problèmes de lumière.

La salle est toujours pleine à craquer alors que les Suédois de Necrophobic montent sur scène pour envoyer ce qui allait être une des meilleures performances du festival, commençant avec Stormcrow du dernier album. Corpse-paint et bracelets à clous jusqu’au coup, le groupe donne une leçon de black métal mélodique à la suédoise, leur machine est bien rôdée, et leurs bombes métalliques accrocheuses sont ovationnées par un public emporté. Necrophobic se démarque avec un certain professionnalisme, du son à l’apparence scénique, et une excellente énergie portant à merveille leurs hymnes mélodiques.

Et c’est maintenant le grand moment, le dernier set de Marduk qui s’apprête à jouer son classique Panzer Division. La sirène retentit, et le public est gonflé à bloc. Mais des problèmes de son, notamment du micro, créent quelques faux départs. Ce qui ne met pas de bonne humeur les musiciens, Mortuus finissant par jeter son micro à terre et quitter la scène, suivi du reste du groupe. Après quelques interminables minutes, Marduk revient sur scène et balance un set très énervé. Pour le bonheur des fans, car le groupe ne se contente pas de jouer l’album annoncé, mais va aussi puiser dans Those Of The Unlight et plus. Un concert encore unique, très chaotique, et finalement violent à souhait.

Marduk conclue en force cette Messe des Morts, avec son black metal sans concessions, brutal et haineux, rassemblant sous le signe du diable et des musiques extrêmes des fidèles du genre, de toutes générations, origines et classes sociales confondues, communiant dans cette belle église qu’est le Théâtre Paradoxe, transcendant encore son nom dans cet évènement unique. Au nom du métal extrême, du diable et des décibels, Amen.

 

Journaliste: Bruno Maniaci

Photographe: Thomas Mazerolles