Cela fait un peu plus de 6 mois que j’ai quitté ma douce Toulouse pour vivre à l’autre bout du monde. Mais ce soir, je suis émue. Je m’en vais au Newspeak, voir le concert de WarEnd.

Avant de commencer, j’aimerais shoutout Mac The Fire qui a chauffé la salle en première partie. Avec un flow à la KAYTRANADA, une belle gestu et une esthétique assez techno boy, cet artiste prometteur m’a intriguée. Les prods étaient bonnes et ont fait bounce toute la salle malgré une acoustique qui laissait à désirer à causes des basses trop présentes.

C’est pas si grave, c’est ça aussi qui fait l’essence des bons concerts de rap. La salle est petite, il fait trop chaud et les balances ont pas été soignées mais le public est survolté. Tout le monde est là pour soutenir les artistes de la relève et bouger la tête sur des prods lourdes. La petite scène, l’ambiance intimiste et la chaleur de la salle me ramène au Connexion Live et je me sens, le temps d’un show, un peu à Toulouse.

WarEnd, originaire de Créteil est un rappeur presque toulousain. Gagnant du Buzz Booster en 2021, il représentait l’Occitanie. Ce concours, plateforme importante de détection et de promotion des talents émergents du rap français a servi de tremplin à l’artiste, lui donnant les ressources pour se faire un nom sur la scène nationale. Son style atypique et ses diverses influences se reflètent dans ses œuvres, qui paraissent très travaillées. Son univers, marqué par des thèmes sombres et la présence de son alter-ego, John, est tant éclectique qu’il est difficile de le comparer à d’autres du rap game. Cette singularité propre à WarEnd fait de lui un artiste clivant et je pense que c’est ce qui m’intéresse précisément chez lui. Cette aura qui divise.

Le 27 janvier 2024, un an pile après sa date au Connexion, scène toulousaine mythique qui lance les artistes émergents, je retrouve WarEnd sur scène à Montréal. Le voir devant moi, si loin de chez nous me donne un peu le tournis. Je réalise le chemin qu’il a parcouru et je ne peux pas m’empêcher d’avoir cette petite fierté au fond, il porte nos couleurs, il représente Toulouse. Cette petite fierté commence à devenir immense quand tout le public commence à backer ses sons. Les gens autour de moi connaissent toutes ses paroles, ils chantent même le slang du sud-ouest et le verlan qu’ils ne connaissent pas.

La scène est trop petite pour l’aura magnétique de l’artiste. Ses yeux sont chafouins mais son énergie est pure. Moi, je plonge corps et âme dans cette once lumineuse de ce clair-obscur. Moi, il me plait mais je sais qu’il divise. Peut-être parce qu’il ne rentre pas dans les codes ou peut-être parce qu’il vient du futur.

Après le concert, j’ai reçu des messages qui disaient que WarEnd était mauvais et qu’il fallait arrêter avec la mode des rappeurs bourrés de la Daurade. Ils n’ont absolument pas réussi à remettre en cause mon opinion du rappeur mais ils ont conforté la définition que je me fais d’un artiste. Et WarEnd en est un. Ce n’est pas un artiste car il est critiqué mais c’est un artiste car il ose. Il va là où personne n’est encore allé, il pousse son délire à l’extrême et il est à l’aise avec ça. Il s’affranchit de tous les codes établis et les gens ont du mal. C’est ce que je trouve beau dans la musique d’aujourd’hui, surtout des artistes de la relève, ils prennent des risques et brouillent les frontières des arts et des genres.

WarEnd est un artiste car il ose en être un tout simplement. C’est sa raison d’être et ça se voit. À 5000km de Toulouse, WarEnd a réussi et il vient de s’en rendre compte.

Ce soir, emportée par Warren à travers l’Atlantique sur un voilier, j’ai adoré partager avec lui une petite éternité. Plus rien n’était nwar, l’énergie était pure et c’est comme ça que je me suis noyée dans son clair-obscur.

Journaliste: Léna Dalgier