Hellfest 2024 – J3 : Metallica + Bruce Dickinson + Mass Hysteria + Accept + Extreme et autres @Clisson
J’arrive tardivement sur le site… Stratovarius va commencer à jouer… mais un chevauchement malheureux m’empêche d’assister à leur concert. Je vois juste un bout de chanson en passant. Je conseille néanmoins à tous les fans de power metal de jeter une oreille sur leur dernier disque « Survive » que j’ai trouvé plutôt bon.
Black Stone Cherry (15:10-15:55 // MainStage 1)
The Casualties (15:10-15:55 // Warzone)
Legion of the Damned (16:00-16:45 // Altar)
Le dernier album « The Poison Chalice », sorti l’an dernier à la même époque sur Napalm Records, est terrible, toujours très caractéristique de leur style : un thrash / death plutôt rapide dans la veine de combos tels que Sadus, Dew-Scented, The Crown ou les vieux Kreator et Slayer avec la voix aigüe et vicieuse de Maurice Swinkels, membre historique de la formation avec le batteur Erik Fleuren (tous deux jouaient dans Occult puis la formation a changé de nom pour devenir LOTD).
LOTD est resté fidèle à une ligne de conduite assez ultime et la plupart des titres de leur répertoire sont directs et rapides. Néanmoins avec ce dernier méfait sonore, les bataves varient les plaisirs et injectent un peu plus de mélodie qu’avant. Ils semblent d’ailleurs assez fiers de leur travail et cherchent à mettre l’accent sur ce dernier disque en lui réservant la moitié du set, ce qui me convient tout à fait car les quatre extraits sont parmi les meilleurs : « Beheading Of The Godhead », « Contamination », « Progressive Destructor » et « The Poison Chalice ». Le reste est réservé à des classiques (notamment « Son Of The Jackal », toujours très efficace en studio comme en live). Scéniquement, les zicos sont au diapason et établissent un mur sonore frontal avec force headbanging et rythmiques en aller-retour. Je note un joli backdrop (dans l’esprit des illustrations de Mark Riddick, spécialiste du death metal old school). A défaut d’être le groupe le plus original de la terre, LOTD fait le boulot.
Mammoth WVH (16:50-17:35 // MainStage 1)
Je connais peu leur musique pour l’instant mais je reçois de bons échos de ce groupe… et puis, avec un papa comme Eddie Van Halen, à la fois guitar hero et compositeur hors pair, comment le fiston pourrait-il prendre un mauvais chemin ? Donc je vais voir ce que ça donne sur la MainStage 1. L’avancée de scène de Metallica a été installée et les groupes jouant avant eux peuvent profiter de cette installation (c’est fair play de leur part).
Ce groupe évolue avec une formule à trois guitares : Wolfgang chante et joue sur une guitare modèle « EVH » (crée par son père Eddie Van Halen), il y a deux autres guitaristes, un bassiste et un batteur. Les zicos mouillent la chemise, particulièrement le bassiste et le batteur… mais je trouve que leur musique, qui me fait penser à certains plans grunge avec un zeste de rock alternatif, est un peu trop commune à mon goût. J’ai entendu quelques plans sympas mais ça m’a moins emballé que Royal Blood vu le lendemain… (ou que Van Halen, que j’ai toujours apprécié) …par ailleurs, l’attitude assez réservée de Wolfgang, qui communique peu avec le public, n’aide pas à faire monter la sauce. La dernière chanson était un peu plus speed et plus accrocheuse mais je ne peux pas dire que j’ai eu le kiff sur leur musique… à réécouter en conditions studio pour se faire une meilleure idée…
Skalmöld (16:50-17:40 // Temple)
Je connais ce groupe de nom et, ayant lu une bonne chronique de leur sixième et dernier disque dans un récent numéro de Rock Hard, je me suis décidé à l’acheter. Ça tombe bien, j’ai trouvé la version vinyle sur le stand de Season Of Mist le matin même. Ce groupe islandais qui chante dans sa propre langue (une tendance qui se confirme depuis plusieurs années chez les groupes de folk comme Subway To Sally, Eluveitie, Finntroll ou Korpiklaani) joue un mélange de death mélodique et de heavy metal épique, un peu à la manière de Tyr, d’Amon Amarth ou d’Ensiferum. Le fait qu’ils viennent d’Islande, une terre lointaine, et surtout le fait qu’ils chantent en islandais confère une légère particularité à leur musique… Je trouve que la formule est un peu classique mais ils ont certains titres mid-tempo avec des mélodies entêtantes ; leurs chansons sont très harmonisées et tous les musiciens participent aux chœurs (même le batteur qui est équipé d’un micro-casque). Le groupe possède un organiste et certains chœurs peuvent faire penser à des récitations de prière… néanmoins on reste quand même plutôt dans le domaine du death mélodique et ça m’évoque parfois le Amorphis des débuts. À défaut d’être le groupe le plus novateur de la planète, Skalmöld aura donné un bon concert et j’étudierai de plus près leur dernier méfait.
Kvelertak (17:45-18:35 // Valley)
C’est l’instant où le prodige suédois Yngwie Malmsteen va investir la MainStage. Je ne peux nier que ce guitar hero a compté dans mon parcours musical. Mais son attitude de rock star hautaine m’insupporte au plus haut point (je préfère largement la personnalité avenante de Joe Satriani… et je préfère aussi sa musique, plus variée émotionnellement). Au même moment, sur la Altar, les thrasheurs suédois de The Haunted vont envoyer le bois. Ce combo a de bonnes idées, même si je trouve leur discographie inconstante. Donc tant pis pour tous ces suédois, mon choix va aller à d’autres scandinaves, norvégiens cette fois : Kvelertak.
Kvelertak est assurément un groupe protéiforme : ils ont déjà joué au Hellfest en 2014 sur la Warzone puis en 2019 sur la Altar et enfin en 2024 sur la Valley, preuve qu’ils sont à la fois uniques et inclassables. Personnellement j’adore leur mixture car elle est si personnelle, empruntant autant au black metal qu’au punk, au rock’n’roll ou au hard rock vintage… Chacun de leurs albums figurent dans mon top de l’année et bien qu’ils chantent en norvégien, cela n’impacte absolument pas la force de leur musique.
Après cinq albums et quinze ans d’activité, leur notoriété n’est plus à faire et le succès de leur dernier LP « Endling », sorti fin 2023, a enfoncé le clou d’une déjà belle carrière. Je ne suis donc pas étonné de voir que la Valley est bondée. Le chanteur Ivar Nikolaisen est bien dans l’esprit punk, d’ailleurs il a l’air passablement déchiré quand il monte sur scène et, pourtant, il va enflammer le public en ne tenant pas en place, en chantant / hurlant / vociférant, souvent courbé et accroché à son pied de micro. Il semble être le vilain garnement de la bande, toujours à deux doigts de faire une sortie de route. Mais musicalement ça se tient et les musiciens assurent. Il me semble qu’il n’y avait que deux guitaristes sur scène – alors que Kvelertak en compte trois… …mais où est passé le dernier ?
Le groupe dégaine pas mal de pépites de ses deux derniers disques, ceux avec Nikolaisen (qui a remplacé en 2018 le précédent vocaliste et membre fondateur Erlend Hjelvik, celui qui portait souvent un masque de chouette sur scène) et ces morceaux passent très bien sur scène ; mention spéciale à « Crack Of Doom » et « Likvoke ». On a quand même droit à de plus vieux trucs comme « Motsols », « Fossegrim » ou « Mjød ». En revanche, aucun extrait de leur troisième album « Natterfest » (j’aurai bien aimé entendre « Berserk » ou « 1985 »). Comme d’habitude, Il y a chez Kvelertak l’énergie et l’attitude du punk, la classe et la technicité du heavy rock et la rage du black, le tout réuni sous une même bannière. Nikolaisen saute dans tous les sens et va même jusqu’à slammer dans le public ! Sa prestation semi chaotique confirme qu’il était le bon choix pour remplacer Hjelvik. Le concert prend fin aux accords de « Bråtebrann » et c’est un final parfait pour remercier l’audience qui le lui rend bien via une ovation appuyée. Pour ma part, je suis aux anges, c’est un carton plein et cela confirme bien mon opinion : ce groupe est génial !
Extreme (18:30-19:30 // MainStage 1)
Corvus Corvax (18:40-19:30 // Temple )
J’entends parler de cette formation depuis une paire d’année (alors qu’ils existent depuis des lustres : ils se sont formés en 1989 !), précisément depuis qu’ils ont sorti leur dernier album « Era Metallum » car celui-ci est à priori plus affilié au metal que le reste de leur discographie, et pour cause : il s’agit d’une adaptation de leurs anciens titres orientés folk médiéval en version metal. Pour l’occasion, la pochette a été dessinée par Andreas Marshall, illustrateur emblématique du genre et responsable de bon nombre d’artworks (quasiment tous les poids lourds allemands mais aussi Annihilator, Dimmu Borgir, Hammerfall, Immolation, In Flames, Obituary, Warbringer…) ; par ailleurs, ce groupe allemand a collaboré avec Sami Yli-Sirnjö, guitariste de Kreator et de Waltari et a invité quelques personnalités célèbres de la scène (Doro Pesch, Sabina de Holy Moses, Hansi Kürsch de Blind Guardian…) Comme Skalmöld, je me suis procuré leur album en version vinyle au Metal Market le matin même donc il ne me reste plus qu’à voir ce que cela donne sur scène… J’arrive alors que la Temple est très remplie, preuve que le mouvement folk metal est devenu ultra populaire. Je suis donc obligé de me placer loin derrière.
Les musiciens montent sur scène, ils sont tous habillés en peaux de bête ou en costume d’inspiration médiévale et sont partiellement maquillés. Cela souligne, à l’instar de formations comme Heilung, Turisas ou Eluveitie, leur impact épique et visuel. Ce sentiment est renforcé par l’utilisation d’instruments folkloriques qui semblent être faits maison : le chanteur utilise ponctuellement une espèce de longue corne de brume et les deux joueurs de cornemuse manipulent des instruments customisés très esthétiques. Côté saturation, je note la présence de deux guitaristes, d’un bassiste, d’un batteur et enfin d’un percussionniste… ça fait du monde sur scène !
Le groupe va jouer les trois quarts de son dernier album, dans l’ordre : « Gjallarhorni » est un hymne fédérateur, « Sverker » est un titre assez déclamatoire qui entraîne l’adhésion immédiate du public qui tape dans ses mains, « Beowulf is Min Nama » est assez frénétique et appelle les slammeurs à se bouger et les circle-pits à se former. Corvus Corax alterne les morceaux rapides et ceux plus lourds, ce qui donne de la dynamique à l’ensemble. Le light show bleu est assez joli et la mythologie nordique est mise à l’honneur avec des thèmes communs comme « Ragnarök » (introduite par le chanteur car « la fin du monde est proche ») ou « Yggdrasill » (l’arbre monde). Sur « Víkingar », le chanteur mime le fait de ramer dans un viking… et tout le public l’imite ; c’est impressionnant à voir lorsqu’on est au fond de la tente ! Je note que le chanteur remercie le public dans plusieurs langues (français, anglais, espagnol, allemand…) et qu’il psalmodie certains titres lors de leur annonce, ce qui peut être lassant. Après recherche, il apparaît que Corvus Corax s’exprime dans diverses langues scandinaves, rendant la phonétique parfois particulière… A la fin du concert, le groupe se rassemble sur le devant de la scène et le chanteur débouche une bouteille (de champagne ?) qu’il tend au bassiste pour lui souhaiter son anniversaire… n’aurait-il pas pu lui tendre le Graal pour rester dans l’ambiance médiévale ?
Sur le fond (la composition des morceaux), je ne trouve pas ça hyper original ; en revanche la forme est intéressante. Pour un groupe que je croyais essentiellement folk, ils s’en tirent plutôt bien car ils dégagent une belle intensité.
Au final, je pense que Corvus Corax a donné un concert honorable. Vue l’affluence énorme du public, je me demande quand même quel est le pourcentage de gens venus pour la vraie valeur de sa musique ou par curiosité, pour s’imprégner du décorum et s’immerger dans une ambiance festive (comme moi).
Accept (20:40-21:40 // MainStage 2 )
Skyclad (20:40-21:40 // Temple )
Comment pourrais-je vous faire comprendre à quel point j’adore Skyclad ? J’étais déjà très fan de Sabbat, le groupe du chanteur Martin Walkier (et d’Andy Sneap qui est devenu un producteur de renom) et de leur deuxième disque « Dreamweaver – Reflections Of Our Yesterdays » sorti en 1989. Cet album se démarquait du reste du peloton thrash par la voix rauque de son leader et sa diction très syncopée disséminées sur de longs titres aux textes très denses, bâtis autour du roman de Brian Bates, « The Way Of Wyrd » ; le tout était enrobé d’une philosophie qui m’était alors inconnue : le paganisme. Lorsque Martin quitta Sabbat pour fonder son propre projet, j’attendais le résultat avec impatience. Et grand bien m’en a pris car j’ai pris une gifle monumentale à l’écoute de « The Wayward Sons Of Mother Earth », l’album de thrash ultime dixit Phil Pestilence, fameux journaliste de l’époque. Ce mix de thrash, de folk et d’epic metal sur fond de textes pagan est le pinacle du folk metal et le point de départ de tout un mouvement. Tout est sublime : les chansons, les textes, la pochette, l’imagerie, appuyée par une citation de Shakespeare… bref, le genre d’album qui vous suit jusque dans la tombe…
J’ai ensuite suivi attentivement la carrière de Skyclad et, avec Savatage (et, dans un registre plus bourrin, Napalm Death), c’est le groupe qui m’a le plus enthousiasmé tout au long des années 90. Ils étaient prolifiques, sortant un disque tous les dix mois et évoluant jusqu’à atteindre un mélange harmonieux de heavy metal et de folk, le violon occupant une place de plus en plus prépondérante. Par ailleurs, l’optique socialement engagée des textes était pour moi la cerise sur le gâteau ! Dans le lot, de magnifiques balades auront vu le jour et je ne saurai trop vous conseiller de jeter une oreille sur des titres tels que « Quantity Time » ou « No Strings Attached ».
Malgré mon attachement, je n’avais jamais eu la chance de les voir en live dans les années 90. J’étais donc hyper content lorsqu’ils sont passés la première fois au Hellfest en 2014 : le concert avait été chouette et ils avaient accueilli le retour de leur guitariste Dave Pugh, orientant de ce fait la set-list vers la période 92-95.
Dix ans après, ils reviennent en terres clissonnaises. Entre-temps, ils ont publié un nouvel album… mais qui date déjà de 2017 ! Skyclad est ce que je qualifierai de groupe “en sommeil” : ils ne donnent plus que deux à cinq concerts par an et le rythme de sortie de leurs albums studios a fortement chuté depuis 20 ans (il faut dire qu’auparavant, ils étaient payés par leur label et devaient respecter un rythme soutenu… désormais, ils ont tous une vie de famille à côté et prennent le groupe comme une récréation).
Tout d’abord, je suis surpris par la forte affluence du public. Moi je suis super bien placé, au beau milieu du pit. Et le concert va être super : ça va chanter, ça va danser, ça va pogoter gentiment sans une once de violence car ce n’est pas l’optique de leur musique.
Aux manettes, on retrouve les mêmes musiciens que dix ans auparavant : Kevin Ridley, producteur de Skyclad depuis les débuts du groupe en 1991 et désormais lead vocaliste depuis le départ de Walkier, tient aussi la guitare acoustique tandis que Steve Ramsey et Dave Pugh se partagent les guitares électriques. A la basse, c’est l’indéboulonnable Graeme English, compère de Steve depuis les heures glorieuses du groupe anglais de NWOBHM Satan ; Aaron Walton n’en fait pas des caisses derrière sa batterie mais il assure jusque ce qu’il faut. C’est surtout Georgina Biddle, la violoniste, qui est éblouissante : arborant un sourire radieux tout au long du set, elle virevolte sur elle-même, interagit avec ses comparses et parcoure la scène de long en large avec son violon électrique customisé (le corps de son instrument est très dépouillé, le manche étant percé de nombreux cercles… c’est assez original) et elle ajoute le surplus d’énergie à la bande.
Skyclad va dégainer une set-list de fou furieux : le gig démarre sur les chapeaux de roue avec un titre exigeant car rapide et compliqué, « Earth Mother, The Sun And The Furious Host » extrait de « Jonah’s Ark ». Kevin a une voix plus suave que son prédécesseur et peut faire preuve d’une attitude relax qui tranche avec l’intention « guerrière » du Skyclad d’antan mais il chante juste et son intention va crescendo, surtout dès que retentit le deuxième morceau, « Spinning Jenny », hymne folk par excellence qui met la foule en délire. On a droit à un titre gorgé de feeling que je n’ai jamais eu la chance d’entendre en live (« Cry Of The Land ») ainsi qu’à des chansons très entraînantes tout en étant mélodiques (« Great Blow For A Day Job »). La page a été tournée depuis le départ de Walkier et Skyclad dégaine quelques titres post-2000 qui donnent largement le change par rapport à leur répertoire plus ancien (« The Song Of No-Involvement », « The Parliament Of Fools » – la chanson la plus streamée d’après Kevin, « Anotherdrinkingsong », la bande son parfaite d’une soirée dans un pub irlandais). Et comment pourrait-on se passer de « Another Fine Mess », « Penny Dreadful » ou « Inequality Street », trois de leurs plus entêtants hymnes ? Le folk metal est bien entendu à l’honneur avec « The Widdershins Jig » (historiquement le premier morceau de ce genre dans l’histoire de la musique) et on a même droit à une très bonne reprise de « Emerald » des Irlandais de Thin Lizzy, apparaissant à la base sur leur EP « Tracks From The Wilderness » sorti en 1992. Côté surprise, on a droit à deux extraits de leur « nouvel album », « Forward Into The Past » (sorti sur le label français Listenable Records) : l’excellent « Change Is Coming » et l’aventureux « Words Fail Me ».
On ressent une réelle cohérence entre les zicos, le collectif est mis au service des chansons et tous les titres font mouche… d’ailleurs, l’ambiance sous la tente monte peu à peu jusqu’à atteindre son apogée en fin de concert. Ce moment passe à la vitesse de l’éclair, beaucoup trop rapidement à mon goût… mais ce sentiment est contrebalancé par le fait que je suis ravi de constater que les gens réagissent très favorablement, surtout pour ce groupe qui n’a pas d’actualité particulière. Skyclad a toujours eu du mal à percer – ce qui avait entraîné le départ du chanteur d’origine – mais, grâce à Internet qui doit faciliter l’accès à l’information, grâce au mouvement folk metal qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers temps, cette formation pionnière dans son domaine n’est pas tombée dans l’oubli. Mon bonheur est de ce fait démultiplié. A une époque où le réchauffement climatique devient l’une de nos principales préoccupations, il est temps d’écouter le message écologique que ce groupe véhicule depuis toujours et de placer le respect de la Nature et l’équité sociale au centre du débat. Vive Skyclad et merci au Hellfest de les avoir programmés !
Bruce Dickinson (21:40-22:40 // MainStage 2 )
Après la prestation d’Iron Maiden l’an dernier sur la MainStage du Hellfest, c’est au tour de son emblématique chanteur Bruce Dickinson de revenir à Clisson pour défendre son nouvel effort studio, « The Mandrake Project ». Ce disque est sorti en début d’année et il narre l’histoire du docteur Necropolis et du professeur Lazarus dans une lutte pour accaparer le pouvoir sur fond de contexte occulte et scientifique ; certaines éditions du disque sont d’ailleurs accompagnées d’un comic illustrant chaque titre de l’album. Nous sommes habitués à être gâtés avec le père Dickinson qui est un touche-à-tout et qui, parmi ses nombreuses activités, avait écrit une paire de bouquins dans les années 80 et avait rédigé le script du vidéo clip de Maiden « The Writing On The Wall » en 2021. Pour l’instant, j’avoue ne pas avoir été trop emballé par ce dernier disque, ma première l’impression étant que le chant omniprésent ne déploie pas suffisamment de variations… le côté progressif du Maiden récent me manquerait-t-il ?
Bruce revient donc avec son groupe solo composé de musiciens assez peu connus hors des cercles d’initiés. Tout juste retient-on la présence de la charmante bassiste Tanya O’ Callaghan, récemment incorporée au sein de Whitesnake, car elle fait preuve de plus d’énergie que les autres. Les autres zicos, même s’ils se montrent plus discrets, sont appliqués et font preuve d’une interprétation sans faille (le batteur tape un bon petit solo en milieu de set) malgré la pluie battante. Le terme « touche-à-tout » n’est pas excessif pour Bruce car ce dernier accompagne ponctuellement ses musiciens, tantôt aux bongos, tantôt au thérémine.
Bruce étant un leader hors-pair, c’est lui qui mène le bal, en introduisant chaque morceau dans un français plus que correct et en bâtissant un lien entre la réalité et le contenu de ses chansons (même si le fond de ses interventions semble parfois un brin décalé). Il invective le public à maudire la pluie qui tombe comme des cordes pendant tout son set… d’ailleurs, l’audience un brin clairsemée n’est composée que de ponchos 😊.
En revanche, on sent comme une espèce de distance entre lui et les autres musiciens… il semble manquer une certaine forme de cohésion de groupe… est-ce dû à l’impressionnant charisme que Bruce dégage ? En ce qui me concerne, j’ai clairement le sentiment que quelque chose manque pour que l’essai soit transformé (comme on dit en terres toulousaines).
Côté musique, on a droit à des classiques comme « Accident of Birth » ou « Darkside Of Aquarius » (les deux seuls extraits de l’album de 1997 qui entament et clôturent le bal), « Laughing In The Hiding Bush » et « Chemical Wedding ». En milieu de set, focus sur le dernier disque avec trois extraits qui passent correctement le test de la scène, à défaut de se révéler comme des tubes en puissance. Je suis quand même déçu de constater que le premier LP solo « Tatooed Millionnaire », à l’ambiance joyeusement hard-rock, est complétement passé sous silence…
En résumé, un concert sympathique dénué d’une production gigantesque (donc plutôt dépouillé) d’un artiste hors-pair qui, s’il n’égale pas son groupe d’origine, a quand même de sacrés belles choses à présenter…
Mr. Bungle (21:45-22:45 // Valley )
Metallica (22:45-01:00 // MainStage 1)
Aussi bizarre que cela puisse paraître, après 37 ans à bouffer du metal matin midi et soir, je n’avais jamais eu l’occase de voir Metallica en live… enfin, je les avais entraperçus lors de leur prestation précédente au Hellfest en 2022 mais le site était si bondé que j’étais très loin de la scène …et pour couronner le tout, au même moment un de mes groupes préférés, Carcass, jouait sous la Altar donc cela était de nature à me dissiper… …j’avais visionné le concert sur écran géant et on peut dire que j’étais resté sur ma faim.
Pour la petite histoire, j’étais à deux doigts de les voir en 1988 à Montpellier lors de la tournée « …And Justice For All » mais ma très chère mère ne m’avait pas autorisé à partir avec les voisines, à peine plus vieilles que moi et qui venaient tout juste de recevoir leur permis de conduire… 3 ans après, le groupe a publié son Black Album, il est devenu énorme et je n’ai plus jamais eu l’occasion de les voir. Donc je souhaite réparer cette erreur.
Est-ce la pluie battante qui tempère les ardeurs des fans ? Il y a du monde sur l’esplanade mais cela me semble moins bondé qu’en 2022. J’arrive à me faufiler jusqu’à un emplacement correct alors que retentissent les habituelles chansons précédant les prestations live des Californiens : « It’s A Long Way To The Top (If You Wanna Rock’n’roll) » d’AC/DC et, bien entendu, « The Ecstasy Of Gold » d’Ennio Morricone, tirée de la bande-son du film « Le Bon, La Brute et Le Truand ». Cette intro, utilisée par le gang depuis quatre décennies, garde toute sa grandiloquence, elle est très émotionnelle et met les spectateurs dans le parfait état d’esprit pour les préparer au déluge de décibels qui les attend.
Metallica déboule ensuite sur scène et va dégainer quatre pépites intemporelles : « Creeping Death », « For Whom The Bell Tolls », « Hit The Lights » et « Enter Sandman ». Mortel !
Les moyens techniques sont impressionnants, le light-show est tout simplement énorme (combien de kilowatts sont consommés à la minute ?) et c’est très joli à voir. Les écrans géants sont divisés en quatre parties, montrant différentes facettes des musiciens (en revanche, le public situé loin derrière ne doit pas voir grand-chose…). Le son est puissant et parfaitement réglé donc tous les signaux sont au vert. Chouette !
S’ensuit un moment un peu irréel où Kirk et Rob reprennent « L’aventurier » d’Indochine simplement à la guitare et à la basse, avec Rob qui tente de chanter en français. Si la démarche est généreuse, le niveau d’interprétation laisse à désirer… Pas étonnant pour un titre appris à la va-vite durant l’après-midi (l’idée provient de l’épouse de Robert qui est française).
À la suite de ce moment un peu mou, Metallica mixe les plaisirs en piochant dans sa période d’or, celle qui couvre les cinq premiers albums et en défendant son dernier disque en date via « Too Far Gone ? », « Lux Æterna » (un hommage assumé à l’une de leurs plus grosses influences, les anglais de Diamond Head), « 72 Seasons » et « Shadows Follow ». Ce choix est risqué car si les deux premiers extraits de ce disque sont potables, les autres titres sont trop longs et le public a tendance à décrocher. Ces chansons ne peuvent aucunement rivaliser avec les classiques que sont « Orion », « Sad But True » ou « Master of Puppets ». Le seul titre rescapé de la période 1991-2020 est « The Day That Never Comes » issue de « Death Magnetic », une très jolie power-ballad qui commence doucement pour finir dans un maëlstrom de décibels. « One » est toujours un moment particulier, avec son intro qui nous plonge en pleine horreur de la guerre et son final embrasé. « Seek & Destroy » était un des hymnes emblématiques de mon adolescence et je décide de slammer ; alors que je suis dans les airs survient un lâcher d’énormes ballons gonflables noirs et jaunes (évidemment dû aux couleurs de leur dernier LP studio). Je me retrouve à donner des coups de pied, de poings et de tête dans tous ces ballons (et il y en a beaucoup !) alors que je suis porté par le public et que je crie « Seek and… Seek and destroy ! ». Vous imaginez le gros kiff !
Le concert, même s’il dure plus de deux heures, passe très (trop) vite et est suivi par un petit feu d’artifice maison.
Globalement, je suis satisfait de la prestation de Metallica… mais je me demande si cela n’est pas dû à ce que j’évoquais en introduction (le fait d‘avoir attendu si longtemps pour les voir en live). J’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose pour rendre ce moment magique : est-ce la très faible communication de James envers le public ce soir-là ? Je peux accepter que l’interprétation des morceaux soit un poil approximative – car l’exercice live tient à mon avis plus de la décharge d’énergie que de la restitution fidèle d’une œuvre studio… mais Kirk semble depuis longtemps en roue libre et, comparativement au guitariste de Megadeth deux jours auparavant, n’en impose pas des masses… Rob est fiable même s’il est, à mon avis, sous-employé dans Metallica. Et, à défaut de jouer parfaitement, Lars a pilonné sa batterie comme un malade et apparaît comme le grand vainqueur de ce show ! Certains connaisseurs ont trouvé cette prestation décevante. Je tempèrerai ce point de vue car Metallica, même quand il n’est pas à 100%, reste quand même au-dessus de la moyenne.
Saxon (01:05-02:05 // MainStage 2)
Tous les vieux briscards connaissent Saxon. Ce groupe phare de la New Wave Of British Heavy Metal, qui a considérablement influencé Lars Ulrich, vient de publier un nouvel album studio et c’est déjà son 27eme disque ! Ces chiffres donnent le tournis… Saxon n’est en effet pas du genre à s’endormir sur ses lauriers, ils publient un LP tous les 2 ans environ (un peu comme le groupe allemand Rage). La dernière offrande est plutôt pas mal et, fait amusant, le guitariste de toujours Paul Quinn a pris sa retraite (à 72 ans, on ne lui en veut pas). Il a été remplacé par… Brian Tatler de Diamond Head ! Je me demande si Lars, en ce moment même, est sous sa douche ou sur le côté de la scène 😊
Je serai volontiers resté pour ce concert mais les coreux de Suicidal Tendencies jouent sur la Warzone au même moment et, pour moi, y’a pas photo. Quel mauvais chevauchement ! Donc je regarde le titre d’ouverture « Hell, Fire and Damnation » puis je suis obligé de me barrer… …je reviendrai pour la toute fin du concert, pendant les rappels (notamment « Princess Of The Night ») et ça me permettra d’admirer le très joli logo du groupe anglais, tout auréolé de bleu et d’apercevoir le fameux aigle métallique qui surplombe la scène. Chapeau à Saxon, un groupe authentique et classieux.
Suicidal Tendencies (01:00-02:00 // Warzone)
J’arrive à la Warzone qui est blindée de chez blindée… donc je décide de voir le concert de la plateforme centrale, là où se trouve la statue de notre modèle à tous, notre bon vieux Lemmy.
Il y a deux ans, Suicidal jouait exactement au même endroit (et sensiblement au même créneau horaire) mais la prestation du groupe de Venice avait été gâchée par d’innombrables problèmes techniques et nous étions tous restés sur notre faim. Comme pour conjurer le sort – ou laver son honneur – ST revient à Clisson et est prêt à en découdre. Le line-up 2024 a des allures de rêve : Dean Pleasants (en poste depuis un quart de siècle et également six-cordiste chez Infectious Grooves), Ben Weinman (ex-The Dillinger Escape Plan), Tye Trujillo (le fils de Robert, bassiste chez Metallica et ex-ST) et Jay Weinberg, ex-batteur de Slipknot, un des meilleurs cogneurs du circuit. Et bien entendu le patron, l’inoxydable Mike Muir, qui ne fait pas ses 60 printemps… au contraire, il pète la forme et il va mettre une ambiance de feu !
Ce soir, la set-list va être peu ou prou similaire à celle de 2022, avec des ajouts bienvenus comme « Memories Of Tomorrow » ou « Institutionalized », de vraies bombes punk rock ! D’autres titres sont incontournables et provoquent d’irrésistibles poussées d’adrénaline : comment ne pas succomber à « You Can’t Bring Me Down » ou « War Inside My Head » ? Le groupe jamme parfois en allongeant la fin des morceaux, ce qui permet à Mike de partir dans ses speeches caractéristiques et nous inviter à être nous-même, à suivre notre voie sans nous soucier du qu’en dira-t-on, à assumer nos responsabilités même si on doit en passer par des moments éprouvants car se confronter à la réalité est parfois plus déplaisant que de se voiler la face. C’est un message libérateur en ces temps incertains.
Côté zicos, quelle énergie ! Ben Weinman, comme à son habitude, est monté sur ressort : il saute partout, balance sa guitare dans tous les sens, escalade les pylônes… on se demande s’il va finir le concert vivant. À la batteuse, Jay a la méga banane et a l’air ravi de faire partie du gang. En comparaison, Dean et Tye paraissent « discrets » mais font le job.
A partir du milieu du concert, comme d’habitude plein de monde monte sur scène, qu’il soit roadie ou fan et cela se transforme en un grand moment de convivialité : ça chante, ça pulse, ça blaste même pendant le refrain de « I Saw Your Mommy », tout ça pour mieux entonner les « I saw your mommy… and your mommy is dead ! » ou pour scander les fameuses initiales « ST ! ST ! ST ! ». « Freedumb » et « Subliminal » défoncent tout, il y a un monde dingue sur scène et tous resteront jusqu’à la fin. Quant au public, c’est circle pit sur circle pit… bref, le concert a atteint sa vitesse de croisière… Le punk rock dans toute sa splendeur !
« How Will I Laugh Tomorrow » et « Pledge Your Allegiance », tirées de leur troisième album (l’un de mes préférés) montrent des velléités mélodiques et plus progressives et nous rappelle que ST, ce n’est pas que du punk rock joué à fond la caisse. Mais comme dit le proverbe, « chassez le naturel… il revient au galop » : pour bien enfoncer le clou, on finit par un dernière petite speederie. En 10 petits morceaux, la messe (punk rock) a été dite et il n’y a rien de plus à ajouter. Mike vient au contact du public pour le remercier, remonte sur scène et accepte volontiers de poser avec tous les fans qui lui demandent un selfie. Quelle preuve d’humilité ! La France a toujours été une terre d’accueil pour ST et la communion entre le groupe et le public établie ce soir montre à quel point ce capital sympathie reste intact. Finalement, un des meilleurs concerts du week-end ! Je regrette juste de l’avoir vu de loin… mais, bon sang, pourquoi n’ai-je pas répondu à l’appel du mosh pit ?
Le seul reproche que je ferai à Suicidal est que leur set-list est très axée sur leur glorieux passé : ils ont exhumé un seul titre postérieur à 1990 (et encore, il est sorti en 1999… soit il y a un quart de siècle !). ST est une force vitale en live mais ce serait bien qu’ils reviennent avec du nouveau matériel studio, eux qui ont le potentiel pour nous enchanter.
Malgré la pluie, quelle putain de journée !!
Photographe : David Vacher
Auteur : Benoît Gazin