Justice : une expérience sacrée, mystique, presque religieuse Dimanche 4 Aout 2024 @ Osheaga (Montréal)
Cette fin de semaine, c’est ma première édition d’Osheaga et je ne tiens plus en place quant à l’idée d’assister à ce festival. La programmation du dimanche est folle et je vais découvrir pour la première fois de nombreux artistes en live. J’arrive sur Jean-Drapeau lorsque Raye commence à chauffer la scène de la Montagne et il me semblait connaître son nom grâce à une chanson que j’écoutais il y a quelques années. En cherchant, j’ai finalement confondu l’artiste mais je reconnais la discographie de Raye car la chanteuse, grâce à des sons comme Prada ou Escapism est devenue un phénomène Internet cette année.
J’ai à peine le temps de fumer en m’extasiant devant le système son que je tente de rejoindre la scène de l’île pour le set de Folamour. Je suis un peu perdue dans tout ce bazar alors je m’oriente comme je peux, en suivant la masse. Je fais un petit arrêt à plusieurs stands pour dire bonjour à des amis bénévoles avant de reprendre mon chemin initial -Folamour on a dit-. Les scènes sur lesquelles je veux voir le plus d’artistes se situent sur les lieux des Piknic alors j’ai aucun mal pour me repérer -un peu habituée des dimanches à Jean-Drapeau-.
En attendant Folamour, Ash sur scène nous met dans une ambiance un peu lounge, jazz house comme un coucher de soleil à Ibiza ou un été à la menthe dans un riad marocain. Le son est très bon et l’acoustique parfaite, je me répète mais c’est du super boulot de logistique. J’ai vu qu’une petite partie de son set mais c’était très surprenant et ça m’a mis dans un bon mood pour ce qui m’attend. Je l’ai déjà vu et il envoie sur scène, alors s’il fait la même chose que cet hiver, je pense que Folamour va donner chaud à beaucoup d’entre nous. Il commence son set par des sonorités groovy, entrainantes et funky –pas de suspens, c’est sa marque de fabrique- et ce qui se passe est assez fou : le mec prend les commandes et instantanément la foule se met à danser. Sa musique swingue et chaloupe, tous les corps sont très disco et c’est tout ce que j’aime finalement, de la house régressive vers les 70s. Quand je lève la tête vers la scène, je remarque que les VJs sont un peu nazes et ne collent pas vraiment avec son set. Pas si grave, j’ai de bons danseurs autour de moi. Je me sens pleine d’énergie, j’ai envie de bouger partout et d’être la reine de la piste malgré la pluie battante alors merci Folamour pour cette night fever !!! Ça faisait longtemps que je m’étais pas éclatée comme ça sur un set 100% house.
Je ne vois pas le temps passer et je loupe donc le début du show d’Hamza. De toutes façons, de ce que j’en vois, j’ai bien fait de ne pas me presser. Le rappeur se repose beaucoup sur son playback et ne fait même pas l’effort de keep up avec la track. Je suis un peu déçue de sa performance mais comme il joue que ses bangers, c’est quand même pardonné -car je suis dans un giga bon mood ce soir-. Le public n’est pas réceptif et en me mettant à la place d’Hamza, je comprends qu’il ne fasse pas d’effort -j’ai rarement vu un public aussi plat dans un concert rap-.
Sur la scène juste à côté, Jungle ne va pas tarder à se produire et j’ai été missionnée par une amie d’y assister pour pouvoir lui dire comment c’était. -Julie, cette partie de l’article est pour toi-. Ils arrivent sur scène dans une scénographie sobre, chaude. Le rouge met en valeur le groupe qui n’a pas besoin d’artifices pour briller. Entre la couleur et ce qu’ils jouent, ils savent très bien ce qu’ils font parce que j’ai soudain très chaud. Le moment est tellement joli que j’aimerai être plus proche d’eux ou que le son étouffe tout ce qu’il y a autour. C’est doux et presque sucré et j’ai l’impression qu’il n’y a plus que moi, eux et la sensualité. Tout ce qu’ils jouent est du miel à mes oreilles et c’est tellement fluide et calme que ça me laisse reprendre un peu de souffle pour ce qui arrive après. Julie, je comprends pourquoi tu aimes Jungle. Quelle belle découverte en live.
Je les vois pas trop finir alors je suppose que ça se fait en douceur. Je suis déjà partie à côté, pour attendre Justice. Je réalise pas tellement que je vais les voir composer en live et c’est la première fois que ça me fait ça ; être impressionnée comme une enfant. Je suis dans tous mes états et je me gère pas du tout, je passe en mode non-verbale. Je retrace dans ma tête mes découvertes musicales et la French Touch vient très tôt, c’est pourquoi cette heure avec Justice ce soir est si importante pour moi.
Ils commencent sous une pluie de lumière un peu aveuglante et je m’excuse aux gens autour de moi à ce moment là parce que je suis ingérable. Xavier et Gaspard apparaissent à l’écran devant moi et j’ai du mal à y croire. Je regarde mieux et je me dis que c’est déjà plié : ils viennent de démarrer un set dos à dos, un véritable back to back. Et je pense qu’on se rend pas assez compte de la dinguerie que c’est parce qu’à ce moment-là, moi, dans ma tête c’était la cérémonie d’ouverture des JO. Déjà ce qu’ils font est une petite prouesse technique qui montre qu’ils ont pas mal d’XP -j’avoue c’est des prouveurs mais vas-y, ça crée une scéno de dingue-. C’est là que les choses se corsent pour mon article. Écrire devient difficile car ce que je vis est assez indescriptible. Leur musique me prend, me retourne, me met des grosses droites et je lui dis merci. Je perds toute objectivité journalistique et c’est pas grave parce que je vis un moment rare. Même si je ne veux pas comparer 2 monstres, le set de Justice ressemble à ce qu’auraient pu faire les Daft Punk s’il y avait eu un Alive 2017. Pas du tout dans les sonorités mais dans l’ambiance et les sensations partagées ; ce moment est cathartique. Pourtant, le set est lourd, abrasif et très métal grâce à des sonorités saturées et des processus de distorsion / compression mais c’est pour moi un moment pur et solennel que j’accueille avec joie. Lorsqu’ils insèrent D.A.N.C.E, We Are Your Friends ou Stress, j’ai rarement vu un public aussi extatique – avec raison-. Et pourtant, je ressens une grande humilité des 2 dieux sur scène qui savent adapter, dynamiser et jouer avec leurs morceaux pour créer de nouvelles expériences -en même temps c’est leur boulot, mais j’ai jamais vu des gens le faire aussi bien-.
Les moindres gestes qu’ils font couplés aux jeux de lumières m’impressionnent, en passant d’un B2B litéral à un F2F, à l’un face au dos de l’autre. Bref, tout le set est une apothéose. J’aurai aimé que cette heure, durant laquelle ma vie était entre leurs mains, dure une éternité. Leur spectacle est tellement intelligent et surprenant qu’il me donne envie de pleurer. Il fallait le voir pour le croire car c’est hors de ma portée de retranscrire fidèlement tout ce que j’ai vécu grâce à Justice. C’était une expérience sacrée, mystique, presque religieuse.
J’ai rencontré de belles personnes, passé des moments qui me rendent déjà nostalgique. Osheaga, tu as mon cœur car tu m’as fait me sentir en vacances. Justice pour tous.
Journaliste : Léna Dalgier
Photographe: Alexandre Guay