Couvrir le métal local à Montréal : le débat
Le 1er décembre, une chronique attaquait nos médias insidieusement sur notre absence de couverture de médias locaux. Nous y avons répondu :
Il y a beaucoup de shows métal dans la métropole. Tant mieux !
À la lecture de la chronique de Myriam Francœur, nous avons eu le cœur relevé et blessé.
Beaucoup de choses ont été dites, certaines vraies, beaucoup d’autres fausses.
Nous, médias visés par cette chronique, souhaiterions remettre le métronome au bon rythme, car un sérieux contretemps s’est créé depuis ce début du mois.
Commençons par les choses qui fâchent, histoire d’évacuer un peu ce qui nous énerve le plus.
Ce que nous retenons le plus de ce texte, c’est la façon détestable dont la chronique est écrite. Faire un constat, critiquer de manière constructive, amener le débat, nous sommes pour, et nous le voulons. Utiliser notre travail, de surcroît bénévole, le salir, le dénaturer de son sens, dans l’unique objectif de mieux se valoriser est une manière abjecte de se consacrer meilleure que les autres. Notre travail mérite le respect et la reconnaissance de nos pairs. Nous ne sommes pas des faire-valoir d’une quelconque personnalité en manque de reconnaissance.
Montréal est petit, et nous aimerions que la cordialité et la courtoisie restent des valeurs que nous partageons dans la vie, dans la fosse, dans le pit.
Ce que nous retenons aussi de cette chronique, c’est qu’elle affirme tout et son contraire. Une fois nous sommes trop nombreux et l’autre fois nous ne sommes pas assez. Une fois nous manquons de solidarité et l’autre fois nous sommes dans la collusion. Une fois on n’en fait pas assez, une fois nous en faisons trop. Une fois les groupes jouent trop, une fois ils ne jouent pas assez.
Explications.
Pas assez de médias locaux, jamais le même contenu
Il est bon de rappeler, d’abord, qu’un webzine est une entreprise de presse. Bénévole, certes, mais elle cherche avant tout à satisfaire un public, à montrer un aspect original de son sujet, à mettre en valeur les talents individuels de ses collaborateurs. Chacun de nous a ses forces et ses faiblesses. Si la cause du problème est la même, nous en rejetons la conclusion. Oui, il y a beaucoup de médias locaux, mais non, il n’y en aura jamais assez. Parce que personne ne porte une et une seule voix : nous vivrions dans un monde bien pauvre à ce moment-là. Estimons-nous alors chanceux d’avoir Ondes Chocs, Québec-Métal, Voir et Camuz.
Mais estimons-nous tout aussi chanceux d’avoir Thorium, Capitale du Métal, Metalship, Musik Universe, Sors-tu, et autres médias passés et futurs ! Car jamais nous n’avons pensé que nous sommes semblables, ou de trop.
Nous avons nos différences et des similarités, mais nous sommes avant tout complémentaires : certains traiteront de la nouvelle pure, d’autres se focaliseront sur l’entrevue vidéo, d’autres encore sur le traitement photo, et puis d’autres sur la scène très locale. Et c’est tant mieux ! Chacun mérite d’avoir son propre pain chaque jour !
Laissons nos lecteurs faire le choix de ce qu’ils préfèrent manger.
Logique de médias
On oublie parfois que les webzines entrent dans une logique de médias. Que cinq d’entre nous aillent couvrir Amon Amarth plutôt que la soirée de lancement du livre de M. Desfossés avec Voïvod ne veut pas dire que nous ne nous intéressons pas à ce qu’ils font. Nous estimons que notre lectorat apprécie pouvoir avoir un compte rendu d’un groupe mondialement reconnu et qui passe en ville une fois tous les deux ou trois ans. Car justement, la rareté crée la valeur, et sur nos visiteurs uniques, baromètre de notre audience, nous visons jusqu’à présent juste.
Que dirions-nous, par exemple, si la Presse, le Devoir et le Journal de Montréal n’allaient pas couvrir un discours du président américain Barack Obama, en visite à Montréal, pour se concentrer sur l’allocution, le même jour, de Mario Beaulieu ? Nos groupes locaux, nous les avons sous la main, nous pouvons, d’un simple coup de fil, les avoir en entrevue. Puis, comme la chronique de Mme Francœur le souligne bien : ils sont là à l’année longue. Alors, quand Apocalyptica arrive en ville, nous discutons entre nous — un vœu émis dans sa chronique —, et au final, Thorium et Metalship mettent leurs forces en commun pour offrir un contenu original, d’intérêt et surtout unique
Écosystème métal : marmite en ébullition
Car contrairement à ce que Mme Francœur veut faire croire, la communauté métal est soudée et solidaire : qu’il y ait quinze concerts dans la même soirée révèle un bouillonnement culturel et chaotique que vit présentement Montréal. Mais que de ce processus chaotique ressort une créativité sans commune mesure avec une autre scène locale : nous avons vu, en l’espace de cinq ans, le succès fulgurant de Despised Icon, des retours gagnants de Voïvod et Kataklysm, des groupes qui montent comme Hollow, Karkaos ou Eagle Tears. Hors pays scandinaves — et encore —, quelle scène locale peut se targuer de produire autant de bonnes choses ?
À l’inverse, ne tombons pas dans le triomphalisme sans borne, car s’il a du bon, il y a aussi du très mauvais : de ce chaos ambiant pourra se séparer le grain de l’ivraie. Et, dans nos emplois du temps chargés par la famille, les amis, le travail, comment nous, bénévoles des médias locaux, pouvons espérer alors couvrir tout en même temps ?
Suffit-il qu’un groupe de garage formé il y a deux semaines joue dans un bar pour que nous devions nous sentir obligés d’y assister ? Non ! Certains médias seront intéressés de le faire : encore une fois, tant mieux et nous les encourageons.
Mais pour la majorité des médias locaux, ces groupes sortent des lignes éditoriales qu’elles se sont édictées.
Enfin, et non des moindres, il faut souligner que nul n’est prophète en son pays : Voïvod, groupe au million d’albums vendus, joue aux Katacombes ou encore Obey the Brave, The Agonist et Blackguard rencontrant un plus grand succès aux États-Unis qu’ici sont bien le signe qu’il y a un certain décalage entre ce que les groupes proposent et ce que les Montréalais écoutent.
Au travers du texte de Mme Francoeur, nous sommes donc loin des valeurs prônées par la chronique : si les médias se doivent de rester soudés, il va de soi que ce n’est pas la rédaction d’une chronique qui prend de haut le travail des confrères qui va apporter une solution. Car le problème de cette chronique se trouve ici : elle n’apporte aucune piste de solution.
La chronique métal #6 dénonce, rabaisse, mais n’offre rien de plus. Les problématiques dénoncées se contredisent.
S’il est effectivement « plus flatteur d’apposer sa signature ou avoir sa face aux côtés du portrait d’une star », il est tout aussi pathétique de réduire le travail des autres pour s’afficher sur un piédestal.
Marc Bizouard, Martin Aubertin (Capitale du Métal), Paul Blondé, Philippe Mandeville-Gauthier, Mihaela Petrescu (Thorium Mag), Lauren Gouilloud, Amarilys Way, Arnaud Stopa (Metalship), Charline Provost, Benoît Turcotte (Sors-tu.ca).
Aujourd’hui, la chroniqueuse nous répond une fin de non-recevoir : elle persiste et tente de noyer le débat. Nous, nous souhaitons continuer la réflexion : alors qu’en pensez-vous ? Nos médias n’en font-ils pas assez ? Êtes-vous intéressés pas plus de contenu «local» ?