Jeudi 27 Avril – Comme un hasard du calendrier, la soirée la plus révolutionnaire, placée sous le signe du poing levé, tombe dans la période d’entre deux tours des élections présidentielles. Or, autant une affiche avec Charly Fiasco, No One Is Innocent et Tagada Jones promet du lourd, autant dans ce contexte on s’attendait à encore pire… et ce fut le cas ! Retour sur une soirée déjantée et enflammée.

On n’aura pas eu à attendre longtemps avant que les premières allusions arrivent de la part de Charly Fiasco. Après une introduction annonçant la couleur de la soirée, la première salutation au « tonton facho », celui-là même que nous avons selon eux tous dans nos familles, arrive. L’exemple même de l’humour dont fera preuve le groupe tout le long de la soirée, et il faut avouer que c’est plutôt bon de retrouver l’humour typique de la période punk rock. Même au niveau musical, les rapprochements sont de suite frappants, notamment avec des groupes emblématiques comme Guerilla Poubelle (qu’ils connaissent très bien puisqu’ils ont partagé un bout de tournée notamment) ou les Bérus. Plus léger que les groupes qui suivront, c’est parfait pour chauffer les punks du Bikini qui, pour l’occasion, se sont déplacés en masse. La set-list est équilibrée, avec notamment Que demande le peuple qui résonnera comme un hymne dans toute la salle. Le boulot est donc parfaitement fait, avec un mélange de professionnalisme et de décontraction qui n’est pas sans nous déplaire. En prime, une « Chenille Pit », mélange de chenille et de Circle Pit assez fantastique.

Tandis que le changement de plateau s’active dedans, la nouvelle se propage à l’extérieur : No One Is Innocent assurera la deuxième partie, et laissera le final à Tagada Jones. Chacun s’en fera son idée, mais cet ordre a assurément très bien marché ce soir. C’est donc, en attendant leur nouvel album prévu pour 2018, le gamin enragé apparaissant sur leur album Propaganda qui s’offre en fond de scène sur l’étendard. Enragé, c’est le mot de la soirée et notamment de cette partie où, entre Charlie Hebdo, le Bataclan, Daesh et les élections, il ne manquait pas de bonnes raisons de crier. Ils reprendront donc de vieux titres toujours aussi efficaces tel que Nomenklatura, en alternant avec des chansons plus modernes comme Charlie ou Kids are on the run. A noter l’absence dans la tracklist de Putain si ça revient, quand bien même comme ils le disent « 2002 n’est pas si loin ». Cela n’empêchera pas le Bikini de bouger, et de s’emballer d’autant plus quand le groupe nous offrira une reprise énorme de Bullet in the head de Rage Against the Machine. Comble du spectacle : le groupe fera comme à son habitude monter sur scène une partie du public. Au grand désarroi de la sécurité (que l’on salue tout de même pour la liberté laissée tout au long de la soirée, entre slams et pogos), c’est donc une quarantaine de personnes qui se retrouveront sur scène, à pogotter auprès des musiciens. Petit frisson aussi lorsque la salle reprendra en cœur, avec un mélange d’actualité et de nostalgie, « l’ancien » hymne punk bien connu : La Jeunesse emmerde le Front National. Une excellente prestation donc, qui vient parfaitement s’insérer entre Charly Fiasco et le final qui arrive.

Mais il faudra attendre un peu avant ça, puisqu’il semble y avoir un souci de son au moment du changement de scène. Le problème sera résolu au bout de quelques minutes, qui n’auront pas suffi à refroidir un public chaud bouillant. Rentre alors Tagada Jones, et en premier lieu Nico (le chanteur) qui nous a déjà fait le plaisir de partager une chanson avec No One Is Innocent. Le groupe est à la page, puisque l’introduction prend place sur un fond sonore que l’on distingue, reconnaît et que l’on comprend finalement : il s’agit d’un sample du fameux discours d’Emmanuel Macron sur lequel il s’était littéralement cassé la voix. Avec le même sarcasme que les groupes présents ce soir, peut-être que Nico pourrait lui donner quelques conseils, puisqu’il fera resurgir cette voix si particulière. Rassurez-vous : elle est toujours bien présente sur leur tout nouvel album sorti cette année : La Peste ou le choléra (là encore on pourrait y voir un signe). Ils reprendront notamment la chanson du même titre, ou encore Envers et contre tous issu de cet album. Ils reprendront évidemment des inévitables comme Le Feu aux poudres, le tout avec une énergie épatante. Dans le public, l’enthousiasme est bien au rendez-vous, avec des pogos non-stop et des barrières qui serviront de tremplin aux nombreux slammeurs dans la soirée. Là encore, la sécurité est là pour aider à monter/descendre, mais laissera une énorme liberté au public, pour un plaisir maximum. En somme, comme on pouvait s’y attendre, tout y est pour que la soirée se passe pour le mieux ! Il manquait peut-être une reprise de Parabellum, qui arrivera avant la fin du concert à 00H.

Encore une grosse soirée au Bikini ce soir, avec comme seul arrière-goût non pas les prestations convaincantes des groupes mais le contexte politique qui, offrant certes l’occasion de quelques blagues sur scène, sera inévitablement rappelé tout au long du live avec un rire jaune. Cela n’aura pas empêché le public de profiter de cette affiche qui a tenu toutes ses promesses.

Photo . David Torres

Auteur : David Vacher