mglamdm-5

C’est comme si le nom de Mgla avait transcendé le Théâtre Plaza, noyant le son général dans un brouillard sonore assez médiocre, et rendant difficile l’appréciation de la musique. Seuls les polonais au nom maudit et Cult Of Fire arriveront à sortir difficilement de cette brume, dans un black metal tout de même envoutant, et atmosphérique à souhait.

blackscorn

Peut-être est-ce également la présence policière et le poids d’une inutile répression qui pèse sur le festival cette année. Aucun groupe n’est autorisé aux extravagances scéniques, qui font toute la beauté de la Messe des Morts. Même pas une petite chandelle, une bougie allumée. C’est à se demander si Neige Eternelle aurait pu rentrer leurs branches de sapin… Le Théâtre sera notre prison ce soir, car toute sortie est définitive. Longues files pour la fouille à l’entrée, qui me feront manquer la prestation de Blackscorn, que j’entends assez bien sonner depuis l’escalier. La horde de Sherbrooke n’aura d’ailleurs pas le droit d’emmener son décor Mayhem-esque avec têtes de cochons.

cantique

C’est un représentant du Métal Noir Québécois qui seconde, dans une salle qui commence déjà à bien se remplir. Cantique Lépreux livre une performance honorable, dans un black metal cru, froid et maitrisé. Même si déjà les guitares sont un peu confuses, alors que la basse est un peu forte et claque presque trop avec un son rond. Avec une bonne voix écorchée, les titres comme l’Adieu ou La Meute prennent toute leur puissance sur scène. L’atmosphère et l’univers glacial de Cantique Lépreux méritent l’attention, et serait certainement encore plus appréciable dans une salle plus intime.

moonreich

Comme chaque année, la Messe des Morts n’oublie pas de représenter l’Hexagone, et c’est les parisiens maquillés de Moonreich qui prennent la suite. Signés sur l’excellent label Les Acteurs de L’Ombre, les français commencent leur set dans une veine presque Marduk-ienne, très brutal et direct. Mais la deuxième partie de leur set-list est intéressante avec des morceaux plus variés, un peu plus mid-tempo, et un certain talent dans les arpèges malsains joués à l’unisson, comme dans le dernier Long Time Funeral. Avec un chanteur qui harangue la foule à coup de bénédictions et des guitaristes qui se donnent, Moonreich s’en sort aussi avec un scénique efficace.

monarque

Place maintenant à un des fers de lance du Métal Noir Québécois, Monarque. Leur prestation est très attendue, et ils sont le premier groupe à faire exploser le mosh-pit, malgré un début de concert encore perturbé par des problèmes de son. La puissance et l’expérience parlent, Monarque mène sa horde avec violence et conviction, de plus en plus possédé lors de la performance. L’efficacité des morceaux plus basiques et old-school  de quelques accords ressort encore plus dans le contexte de grande scène, avec un son encore approximatif. Monarque termine avec le classique Quintessence du Mal une performance qui ne sera pas leur plus mémorable, mais s’en sort avec les honneurs.

blaze

C’est les Polonais de Blaze Of Perdition qui doivent maintenant essayer de tenir le cap. Leur début de set est difficile avec un problème d’accordage entre les guitares, qui mettra du temps à se régler. Les passages de chant clair à deux voix sont aussi approximatifs au départ, on dirait que le groupe a mis du temps à rentrer dedans.  Alors que leur musique est intéressante, plus mid-tempo avec des solos épiques accrocheurs. Et c’est un des premiers batteurs qu’on entend mieux, grâce à sa frappe, mais le son général reste confus et empêche d’apprécier les subtilités, les accords pleins qui résonnent : dommage.
Un sentiment et une ambiance étrange émanent de la soirée. Prisonnier de la salle, où un fumoir s’improvise dans les toilettes, le public boit, la température et l’alcool montent, mais malgré ça on dirait qu’il manque quelque chose. Comme si tout le monde voulait trouver ça bon, mais sans franc succès, sans transcendance. Et malheureusement ce n’est pas le duo finlandais Morrigan qui réussira à faire quelque chose. Même si le son est un peu meilleur, car c’est juste une guitare et une batterie, leur black metal plus lent et épique s’essouffle vite. Alors que le chant clair, imprégné d’anciens folklores celtique, est très bien fait, Morrigan se perd rapidement dans ce brouillard sonore, dans une prestation statique.

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C’est finalement les Tchèques de Cult Of Fire qui vont réussir à sortir du lot avec leur cérémonial religieusement sombre. Et encore, on regrette amèrement cette maudite sécurité extrémiste (quelle ironie non ?.. .)  de ne pas les laisser allumer les nombreuses bougies et chandeliers qui font partie de leur décor habituel, et qui auraient tellement ajouté à la magie de leur messe noire. Le très bon jeu de lumières rouges vient appuyer leur black metal sombre et écrasant. Avec notamment un impressionnant presque-pentagramme en rayons de lumière rouges qui vient sublimer leur charismatique prêtre noir au milieu de la scène. Le son s’améliore un peu, et Cult Of Fire arrive enfin à nous envoûter dans cette aura qui se dégage du genre, qui résonne.

mgla

Après six heures de détention, voici enfin que monte sur la scène du Théâtre Plaza la meute masquée et cagoulée de Mgla. Véritable phénomène qui mène le mouvement black métal atmosphérique des dernières années, les polonais jouissent d’une popularité toujours grandissante, qui les porte aujourd’hui en tête d’affiche d’une soirée à guichets fermés. Tournant sans relâche depuis les dernières années, les Polonais sont en maîtrise totale de leur musique, envoyant avec précision les titres de l’excellent Exercises In Futility. Massif, planant mais puissant, Mgla arrive à dominer la soirée, en grande partie parce que le public connaît les morceaux, et arrive à les reconnaître, malgré l’ironique brouillard sonore. Avec des chefs d’œuvres comme la septième et dernière pièce de l’album With Hearts Toward None ,VII, et cette incroyable montée progressive et subtile, qui rajoute un élément à chaque mesure pour exploser dans un orgasme black metallique. Remarquable, mais pas autant que leur première prestation il y a quelques années sur cette même scène.

 Il aura définitivement manqué un élément dans cette soirée. Mgla aura porté une malédiction, possédé par son propre nom, où l’aura du black metal se sera perdue dans la brume, dans un son brouillon, ne valorisant pas ces groupes de qualité, sur un fond de répression et sécurité un peu excessives.

Auteur: Bruno Maniaci

Photographe: Thomas Mazerolles