Gorguts

Gorguts

4 avril 2016 – La saison de concerts organisés par Noiser est lancée, nous retrouvons la petite équipe à peine une semaine après A Place To Bury Strangers au Saint des Seins. Pas de noise rock ce soir mais bien du gros métal avec pas moins de quatre groupes : Nero Di Marte, Dysrhythmia, Psycroptic et enfin Gorguts. Quelle déception de voir si peu de gens…

Comme toujours au Metronum, la ponctualité est de mise et le show débute à 19h45 pétantes avec le groupe de metal expérimental et progressif italien Nero Di Marte, actif depuis 2009. Le quatuor est composé de Francesco D’Adamo à la guitare, du chanteur et guitariste Sean Worrel, du bassiste Andrea Burgio et de Marco Bolognini à la batterie. Lumières bleutées et vagues qui déferlent sur un écran géant, le décor est posé et les premiers accords de L’Eclisse, titre présent sur leur dernier opus Derivae, résonnent. Je me laisse rapidement porter par le son épais et l’univers tourmenté de Nero Di Marte. Les mélodies sont lentes, progressives avec de belles montées en puissance. Les fluctuations rythmiques,  les riffs ultra denses et le chant torturé se heurtent et s’entremêlent telle une houle qui vous emporte comme la sublime Nero Di Marte. C’est avec ses tripes et son âme que le quatuor déverse sa fervente et gracieuse violence durant une demi-heure, jusqu’à la dernière note de l’impétueuse Il Diluvio. Un très bon moment.

Fondé en 98 à Philadelphie, Dysrhythmia  est un projet purement instrumental assuré par un trio basse/batterie/guitare. Nous retrouvons deux membres de Gorguts, le bassiste Colin Marston et le guitariste Kevin Hufnagel accompagnés par Jeff Eber à la batterie. Les compositions avant-gardistes sont un mélange entre math-rock, metal progressif, metal extrême et jazz. En résumé, des morceaux dévastateurs et complexes ! Fans de VoivodGorguts et Don Caballero, la musique de Dysrhythmia est faite pour vous. Les trois compères ne sont pas là pour plaisanter, il n’y a qu’à voir l’imposant pedalboard de Colin. Même si leur musique n’est pas ce qu’il y’a de plus accessible de par sa complexité, on ne peut qu’être impressionné par leur jeu léché et leur talent qu’ils marient, le trio est en parfaite symbiose. Ils nous servent un set composé de nouveautés, intense et impeccable avec un son fort mais bon. Désolée pour l’expression mais ce sont là trois putains de musiciens qui nous mettent une « branlée technique ». Si Hufnagel est excellent, c’est néanmoins le duo Marston/Eber qui me laisse…sur le cul ! Trop alambiquée pour que j’en écoute à la maison, j’apprécie cependant la performance en live.

21h15, changement de plateau, le joli backdrop aux couleurs du dernier album éponyme (2015) de Psycroptic habille maintenant la scène. Toute la programmation est bonne ce soir mais c’est en priorité pour ce groupe de death technique australien que je suis là. L’obscurité s’installe à nouveau dans la salle, l’intro retentit et la bande débarque sur Cold. S’il y a bien quelque chose de froid ce soir, c’est le public ! A peine 100 personnes présentes dont 80% semble littéralement s’emmerder, quelle mollesse !!! Mais comment faites-vous messieurs dames pour rester statiques alors que Psycroptic nous envoie des titres puissants comme Carriers of the Plague avec cette rythmique entraînante et ces riffs destructeurs ? Dave Haley donne la cadence de sa frappe franche et ses blasts irascibles. La puissante batterie est doublée par les accords massifs qui s’échappent de la basse de Cameron Grant. Le frérot,  Joe Haley,  quant à lui nous délivre ses riffs à la fois mélodiques et hyper techniques. Jason Peppiatt est remplacé par l’excellent vocaliste Jason Keyser que nous avions reçu ici même avec Origin en 2014. Bonne surprise, j’adore son growl nuancé qui vient des tripes et ce changement ne dessert aucunement le groupe. Le son est bon ainsi que le jeu de lights. Le chanteur tentera, en vain, d’activer la foule. Heureusement, nous sommes quelques headbangers au premier rang. Technicité, groove, énergie et puissance, voilà tout ce qui se dégage de la musique de Psycroptic avec des titres râblés et efficients comme The World Discarded, Echoes To Come…Initiate… quoi ? C’est déjà fini ? J’en aurais bien repris une petite dose, c’était très bon!

22h15, ultime changement de décor, c’est maintenant au tour de Gorguts de monter sur les planches. Créé en 89, le groupe québécois est une référence en matière de death metal technique. Extinction des lumières, le chanteur et guitariste Luc Lemay apparait en compagnie de Kevin Hufnagel, Colin Marston et du batteur Patrice Hamelin (Beneath the Massacre). Nous reconnaissons instantanément les premières notes de Le Toit du Monde, titre d’ouverture du dernier album Colored Sands sorti en 2013. Luc Lemay salut le public avec son chaleureux accent québécois et nous annonce que nous allons découvrir en exclusivité un inédit de leur prochain EP Pleiades Dust (13 mai 2016). Bien que la technique soit toujours prépondérante, les morceaux sont très différents de ce que proposait le groupe à l’époque d’Obscura. Nous pénétrons là dans une ambiance beaucoup plus atmosphérique, obscure, pesante avec ces mélodies lancinantes et une intensité qui va crescendo. Les rythmiques erratiques pleines de robustesse sont gérées d’une main de maître par le très bon Patrice Hamelin. Lemay et Hufnagel se partagent les riffs de guitares. Kevin se balance perpétuellement d’avant en arrière, transcendé, et nous délivre son jeu incroyable sans concession. Que dire de Colin Marston ? Il est simplement bluffant, ne faisant qu’un avec sa basse aussi grosse que lui. La voix grondante et opulente du vocaliste vous coupe le sifflet. Le public toujours assez mou semble tout de même apprécier, applaudissant avec plus de conviction qu’auparavant. Marston et Lemay nous gratifieront d’un sublime moment de fusion guitare/basse jouant de la distorsion avec justesse… les notes s’infiltrent en nous durant cet instant de sombre virtuosité, j’en ai eu la chair de poule. Gorguts ne partira pas sans jouer les bons et efficaces classiques comme Nostalgia et bien évidemment Obscura histoire de clôturer le set avec ce qu’il faut de violence. Excellent.

Merci à Noiser de nous avoir servi ce très beau plateau ! Une affluence insatisfaisante ce soir, peut-être causée par le nombre de concerts en ce moment… Les absents ont loupé un très bon moment, les présents auraient pu montrer un peu plus d’enthousiasme. Bravo aux groupes qui eux ont clairement assuré.

Auteure : Fanny Dudognon

Photographe : Clément Costantino