Obtenir le statut de groupe culte au sein du Metal Noir c’est exceptionnel et tout à l’honneur de Sorcier Des Glaces qui soulignait les 20 ans de son existence en 2016. Généreux de son temps et de sa prose, le sorcier en personne, Sébastien Robitaille, s’est prêté à notre interogatoire.

Thorium – Bonjour Sébastien alias Sorcier des Glaces, que sont les nouvelles pour Sorcier des Glaces en cette année 2017 assez avancée?

SDG – L’année 2016 fut assez chargée pour Sorcier Des Glaces en terme de « nouveau matériel ». Cette année, nous nous sommes concentrés sur des rééditions de nos anciens albums en LP (chez Obscure Abhorrence) et cassette (Dread Records). D’ailleurs, deux autres rééditions en vinyle sortiront dans un avenir rapproché, Moonrise in Total Darkness et The Puressence of Primitive Forests. Il faut dire que je me suis investi beaucoup en 2017 sur mon projet doom metal Passage, avec lequel nous avons sorti notre deuxième album en juin dernier.

 

T – L’an dernier, Sorcier des Glaces avait sorti un superbe album digne de vos meilleurs efforts en North et un peu plus tard la même année un split avec Ende avec quatre chansons entièrement en Français. Est-ce la nouvelle approche de SDG, en Français svp, toi qui avais écrit tout autant dans la langue de Shakespeare que dans la langue de Molière?

SDG – Non, ce n’est pas la nouvelle approche ou philosophie, j’aime beaucoup écrire/chanter autant en anglais qu’en français. Ce n’est aucunement une question politique en ce sens, mais plutôt selon mon feeling du moment! Pour Le Puits des Morts, j’ai décidé d’y aller uniquement en français car ce qui unit le Québec et la France est notre belle langue française. Il est très important pour moi d’intégrer des passages, voir des textes complets dans ma langue natale. Cependant, j’aime également beaucoup la sonorité des mots en anglais donc j’y vais réellement selon mon inspiration.

T – Trop souvent on oublie comment Snowland était un album précurseur, que l’on peut même qualifié de kult, pour le Metal Noir Québécois. Sa distribution était digne d’un tape trading et plusieurs ont commandé cet album par courrier. Combien de copies de Snowland, l’original, ont-elles été imprimées?

SDG – Ça a été toute une aventure à cette époque! Je ne me souviens pas réellement du nombre de copies totales car on en ré-imprimait à mesure (c’était seulement en CD-R) mais ce qui devait n’être qu’un petit projet parallèle à mon groupe principal Moonlyght à cette époque (on parle 1997-1998) aura été le début d’une grande aventure! Je n’avais pas beaucoup d’expérience studio, la seule chose qu’on avait enregistré était la première démo de Moonlyght, Midwinter Melodies, l’année précédente et avec un producteur en plus, donc de tout faire moi-même avec zéro expérience a été quelque chose… et j’y ai beaucoup appris !

 

T – Peut-on affirmer que c’est le premier album de «vrai» Metal Noir Québécois? Si non, qui crois-tu qui pourrait porter ce titre?

SDG – Je n’en ai aucune idée honnêtement. Peut-être ayant sorti un « full-length » album, mais peut-être pas en tant que groupe car Frozen Shadows avait déjà sorti leur démo Empires de Glace quelques temps auparavant, Veneficium en étaient à leurs premiers balbutiements, Esker également. J’ai formé le projet Sorcier Des Glaces officiellement je dirais fin 1996 – début 1997, alors je ne sais pas. J’avais déjà pris des photos préalablement même un peu avant, j’avais des idées en tête, des riffs, mais rien n’était encore concret jusqu’à l’enregistrement de Snowland.

 

T – Continuant avec les origines de SDG, tes influences de Tormentor à Mayhem (De Mysteriis Dom Sathanas), DarkThrone et le vieux Samael est-ce que l’on peut parler de cette époque comme de moments de nostalgiques ou si tu crois que cette «scène» est toujours vivante?

SDG – Pour ma part c’est de la nostalgie, mais bien vivant et encré en moi à jamais. Je me souviens lorsque j’ai acheté De Mysteriis Dom Sathanas en cassette lorsque l’album fut sorti officiellement, ça m’a frappé comme un train! L’atmosphère glauque, morbide… c’est un feeling que je retrouvais aussi dans Blood Ritual de Samael, et bien sûr A Blaze in the Northern Sky (Darkthrone – ndlr). Quelque chose de malsain et noir, mais absent dans des groupes de Death Metal comme Deicide ou Morbid Angel par exemple. Je dirais que ces trois albums-là ont été les premiers à changer ma perception de la musique metal en général. Je ne cherche pas à reproduire ce feeling avec SDG, car je crois qu’au fil des années nous avons réussi à trouver notre propre son, notre âme.

 

T – Je ne reviendrai pas sur le fait que tu ne fais pas de spectacles avec SDG ou Moonlyght, par contre est-ce que l’énergie d’une salle te manque? Par exemple, de voir quelles chansons vont faire headbanger les gens et lesquelles semblent plus étanches pour le public?

SDG – Oui dans un sens, le feeling de faire des spectacles, d’interagir avec le public, de les voir tripper lorsqu’on joue nos chansons, etc. Ça me manque! Par-contre, jouer live demande beaucoup d’investissement de temps, d’organisation, d’argent, de sacrifices, etc. Ça peut paraître égoïste de dire cela, mais ayant des enfants en bas âge (tout comme le batteur de SDG), le fait de devoir trouver et former des musiciens sessions car SDG est un duo, organiser et faire des pratiques à raison de plusieurs fois par semaine, ainsi qu’une multitude d’autres raisons font en sorte que pour le moment nous ne sommes pas intéressés à jouer live. Never say never comme on dit, mais pas pour l’instant!

T – J’ai aussi lu que plusieurs des compositions de SDG sont issues de tes sessions d’écritures et d’enregistrement antérieurs, notamment Moonrise In Total Darkness et The Puressence of Primitive Forests étaient complétement enregistrés plusieurs années avant leurs sorties. Est-ce que SDG est le fruit d’une époque qui t’a profondément marquée ou c’est un état d’esprit propre à l’écriture de SDG?

SDG – Pour Moonrise nous avons enregistré l’album un an après la sortie de Snowland, donc c’était très rapide. J’étais dans un bon mood de composition et j’étais boosté avec la réponse extrêmement positive de Snowland. Nous avons donc décidé de faire les choses différemment cette fois et d’avoir une production meilleure que Snowland qui elle, était absolument exécrable! Par-contre, je crois que je n’avais pas la force et l’énergie de me chercher un label pour SDG en 1999-2000, j’étais en pleine restructuration de Moonlyght, changement de line-up, et nous voulions enregistrer notre premier album. Ce qui fait que l’album est resté sur la glace… très longtemps. Dans cette période j’ai énormément composé de riffs pour SDG, que j’ai gardé sur de vieilles cassettes TDK! Heureusement, car j’en ai retrouvé plusieurs aujourd’hui. Une chanson comme « Under the Moonlight » sur Ritual of the End, c’est en réalité une vieille pièce de Moonlyght datant je crois de 1996, que j’ai adapté à SDG. Même chose pour la pièce « North », j’ai modifié le tout pour fitter avec le concept de SDG.

 

T – Avec ton side project de doom metal Passage, un duo encore une fois avec Luc Gaulin en tant que drummer, vous avez fait un album qui résonnait comme ceux des vieux maitres (Candlemass, Cathedral) et ce, bien que ce genre ne soit plus autant en vogue ces dernières années. Pensez-vous produire du nouveau stock sous cet avatar puisque le timing serait bon et que le public est prêt à recevoir de plus en plus de Doom metal?

SDG – Nous venons tout juste de sortir notre deuxième album As Darkness Comes en juin 2017! J’ai énormément de plaisir à travailler et composer du doom, et ça ne s’arrêtera pas là. Je suis un grand amateur de Paradise Lost, Katatonia, Anathema, My Dying Bride… et Passage me permet d’exprimer des idées et concepts qui ne concordent pas du tout avec SDG. On reconnait tout de même certaines mélodies qui sont propres à moi, qui ont en commun mes groupes musicaux.

 

T – Comme tu sembles vouloir te dissocier du Black Metal en qualifiant Sorcier des Glaces de Cold Primitive Metal, surtout pour son atmosphère glacial et grim, est-ce que dans le futur tu te permettras d’aller dans l’expérimentation un peu comme Wolves In The Throne Room qui me font un peu penser à l’atmosphère que SDG a su créer dans sa musique?

SDG – Je crois que je peux me permettre d’expérimenter tout en gardant le focus sur la « bête » qu’est SDG, ses valeurs, son identité. Jamais je ne ferai un virage à 180 degrés pour intégrer par exemple de l’électronique, ou du punk rock! Il y a certaines règles qui ne peuvent être transgressées. Par-contre, j’ai beaucoup d’influences venant du shoegaze, qui se marient très bien avec le son de SDG, avec ses guitares planantes, ou des mélodies sur les guitares acoustiques. J’aimerais créer quelque chose de spécial pour un futur album, quelque chose qui me mettrait au défi. J’aimerais un jour également faire un album entièrement acoustique, ça pourrait être quelque chose d’assez intéressant! Les possibilités sont infinies, l’inspiration doit être là et je dois être satisfait de moi en premier, avant d’entreprendre quoi que ce soit!

 

T – Par simple curiosité musicale quels sont les derniers albums que tu as aimés? Et les derniers shows que tu es allé?

Mes goûts musicaux sont extrêmement variés. Actuellement j’écoute beaucoup le dernier Ulver The Assassination of Julius Cesar, le nouvel album d’Anathema, le dernier Vallenfyre ainsi que le nouvel album de Slowdive. Comme je produits également quelques groupes à mon Hell Studio, j’ai beaucoup écouté le nouvel album de Brume d’Automne, que j’ai produit. En plus des vieux classiques qui reviennent régulièrement dans le lecteur comme The Key de Nocturnus ou bien Altars of Madness de Morbid Angel. Ce sont mes goûts du moment. Je ne vais malheureusement pas beaucoup dans les spectacles depuis un bon moment déjà!

Auteur : Michaël Parent

Photographe: Thomas Mazerolles