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La Messe des Morts est souvent l’occasion pour le public nord américain de voir de grosses pointures européennes qui ont peu ou pas l’occasion de se rendre de ce côté de l’Atlantique. Mais Sepulchral Productions, le label qui se cache derrière l’organisation du festival, met toujours un point d’honneur à valoriser la scène québécoise.

Le Black Metal est un genre qui sait se faire discret, qui aime à rester dans l’ombre. Et c’est ainsi qu’en 2003, au sein d’une scène en totale mutation et encore marquée par des formations comme Frozen Shadows, que le Metal Noir Québécois vient au monde. Si l’appellation presque labellisée ne sera officielle que plus tard, c’est Brume d’Automne qui sort de l’ombre et vient entrainer dans son sillon une scène en passe de devenir une exception. C’est le début d’un voyage au cœur de l’histoire fière des québécois avec ce son si froid, car ici leur pays, c’est l’Hiver

Thorium – Brume d’Automne revient sur scène après 12 ans d’absence. C’est clairement un moment très attendu du public, quel est ton état d’esprit pour la rencontre à venir ?

Nordet – Je suis un peu stressé c’est sûr ! Les gens ici on les côtois. A tous les shows où je vais il y a des gens qui me reconnaissent, qui reconnaissent le groupe, viennent me serrer la main et me posent des questions « quand est-ce que tu vas faire un show ?». Pis je leur dis qu’à un moment donné dans un petit rêve lointain et qui existe plus ou moins ça viendra… Maintenant que le moment se présente c’est sûr que je suis enthousiaste au plus haut point !

T – Une prestation particulière est elle à prévoir pour ce soir ?

N – Pas vraiment, non. On va se présenter et on va jouer nos tounes, ça va être rentre dedans avec un set qui se veut agressif. On fait parti de la Messe des Morts, on ne joue pas à la cabane à sucre ! C’est sûr qu’on pourrait faire plusieurs thématiques si on jouait ailleurs avec d’autres groupes disons plus folkloriques ou Folk Metal, là on pourrait se prêter à ce genre de jeu. Là on fait parti de la Messe des Morts pis on va jouer des tounes qui vont avec la Messe des Morts !

T – La prestation d’aujourd’hui n’est pas complètement exclusive, il y a déjà eu une date à Montréal quelques semaines auparavant devant un public plus restreint. Cette date avait semblé mouvementé (changement de salle le jour même et pratiquement à la dernière heure – ndlr) et des rumeurs circulaient sur le fait que le discours de Brume d’Automne était la cause de ces problèmes. Info ou intox ?

N – C’est totalement faux. Les gens lancent ça parce qu’ils ont besoin de victimes à agresser donc ils vont trouver le premier bouc émissaire pour le prendre à parti. Et puis comme on a un discours qui pourrait s’apprêter à du « nationalisme », ils vont prendre ça au premier degré et se faire plaisir à essayer de venir nous tirer des roches. C’est eux qui nous font porter le chapeau et pas nous qui portons la bannière.

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T – Brume d’Automne s’inscrit dans la lignée des grands représentants du Metal Noir Québécois et en est même l’initiateur. Est ce que tu penses qu’il y ait une exception québécoise sur la scène Black Metal internationale ? Un « son québécois » ?

N – Si on peut se démarquer d’une certaine façon ? La langue et l’accent bien sûr même si les français font la même chose l’accent n’est pas le même, l’énergie non plus. Il y a un côté froid dans le son qui nous caractérise je dirais. Il peut se retrouver ailleurs mais je trouve qu’il n’y a que quelques groupes qui peuvent se démarquer de ce côté là.

T – La scène Metal d’une façon plus globale est très riche au Québec. Quel regard portes tu dessus ?

N – J’y porte un intérêt comme je porte un intérêt pour n’importe quelle nouveauté ou groupe peu importe l’endroit. Pas particulièrement au Québec. C’est sûr que j’ai plein d’amis qui font parti des groupes donc je vais être intéressé parce que je connais les personnes et je vais aller voir ce qu’ils font. Je peux parler de Triskèle par exemple, d’ailleurs on a un de leurs membres avec nous. Je peux parler aussi de Monarque et de plusieurs autres dont beaucoup sont là ce soir dans le public mais c’est sûr que j’ai un intérêt plus amical envers la scène parce qu’on se connaît presque tous, c’est ça qui est un peu particulier.

T – Rencontrez-vous beaucoup de difficultés à cause du discours du groupe ? Je repense par exemple au show de Forteresse (pour la première édition de la Messe des Morts, certains voulaient annuler le show à cause du discours prétendu « nationaliste » du groupe – ndlr) qui avait finalement eu lieu.

N – Oui au final le show avait eu lieu, en effet. Avant il y avait un équilibre avec les autres groupes qui s’opposaient à ces gens là, donc ils « s’entretuaient » entre eux. Et maintenant vu qu’ils n’ont plus d’opposants mis à part sur internet ils s’en prennent à certains groupes Metal. C’est sûr que le NSBM (National Socialist Black Metal, mouvance radicale du genre au discours d’extrême droite – ndlr) nuit à la scène. Certains groupes en Norvège le font depuis des années et ne se font pourtant pas passer pour des « NS ». Ici moindrement que tu revendiques un discours plus ou moins nationaliste, on devient des méchants nazis. Ca n’a aucun sens, on est loin d’être nazis ! Tout le monde travaille dans des endroits où on côtoie toutes sortes de nationalités et je n’ai aucun problème avec ça. Je comprends pas leur opposition Et puis ils ont beau essayer, moi je fais de la musique et j’ai du plaisir à le faire, c’est pas ça qui va m’empêcher de continuer ! J’ai à cœur ma culture et ça ne va à l’encontre d’aucune autre.

T – Il est vrai que souvent les gens font l’amalgame entre nazis et patriotes.

N – Oui c’est le cas. C’est une question de culture, même pas politique en fait c’est plus une question de folklore et de traditions. La tradition n’implique pas forcément des valeurs, on parle plus de contes, de fables comme les norvégiens ont leur panthéon de déités, les slaves sont nés dans un fond de fromage, les scandinaves dans le dessous de bras d’un géant et puis nous on a notre folklore aussi. C’est fun de le propager et puis ça n’a aucune signification vraiment politique reliée à la musique, pour nous en tout cas !

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T – Justement à parler de folklore, quels sont les contes ou les points de l’histoire du Québec que tu aimes en particulier ?

N – Les personnages historiques, autant les histoires malheureuses comme l’histoire de la Corriveau ou de Jos Montferrand, qui travaillait sur les chantiers et qui s’est opposé aux riches anglais qui lui barraient la route. Tous ces personnages qui ont marqué l’histoire mais pas nécessairement sur le plan politique mais plutôt pour les légendes. On parle de Jos Violon, c’est grâce à Satan que son violon continuait de jouer toute la nuit et en fait Jos le Violon c’était Lucifer lui même ! Il y a plein de contes reliés à Lucifer et au Bonhomme Sept-Heures, toutes sortes de contes, de personnages, de créatures. On a tout un patrimoine folklorique !

T – Si on s’aventure plus vers un discours patriotique, est ce que trouves que les valeurs du Québec que tu décris au travers des contes s’opposent à ce qu’on voit aujourd’hui ?

N – C’est pas notre but de parler de ces choses là, c’est plus de la culture en tant que telle et non pas aux valeurs et aux traditions et encore moins de la religion. C’est plus pour faire quelques clins d’œil et inventer nos propres contes.

T – Pour terminer notre discussion, il y a certains discours qui collent à la peau de genres musicaux. Ce serait bizarre de voir Satanic Warmaster parler d’histoires d’amour à l’eau de rose. Est ce que tu penses que le Black Metal c’est le genre musical idéal pour parler d’Histoire ?

N – Moi je trouve que ça rentre bien. Quand tu prends la musique traditionnelle du Québec, les histoires ne sont pas tout le temps roses. C’est souvent parlé en paraboles d’histoires de viol, de vieux cochons, de femmes battues et de choses comme ça. Donc dans la musique traditionnelle c’est pas rose même si on va chanter ça de manière poétique mais dans le Black Metal on peut intégrer ça dans le coté agressif. C’est un peu comme la frustration des passages noirs de notre Histoire qui peut ressortir.

T – Merci beaucoup pour cette discussion ! Le mot de la fin ?

N – Ca m’a fait un énorme plaisir d’avoir fait cette entrevue et puis on ne laissera pas mijoter encore sept ou huit ans avant de faire un autre album tu peux être sûr. A cette heure qu’on se présente sur scène ce ne sera pas la dernière !

Pour retrouver notre retour complet sur leur prestation à la Messe des Morts V, c’est par ici.

Thorium tient à remercier particulièrement Nordet et Brume d’Automne pour leur disponibilité pour réaliser cet article !

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Texte : Traum

Photographe : Thomas Mazerolles