Nous avons discuté avec Frédéric Roy-Hall, promoteur à Montréal depuis sept ans, qui a lancé cette semaine sa nouvelle boîte de promotion de spectacles, Le Hall. On vous a dressé un portrait de ce qu’il réserve à la scène québécoise dans le futur proche, en plus de lui demander de nous expliquer un peu comment ça se passe sous le capot d’une machine pareille.

 

Thorium : Quelle est la mission de ta nouvelle entreprise ?

Le Hall : La mission est très large en réalité. J’ai une mission personnelle et on a une mission qu’on pourrait écrire dans un plan d’action. La manière que je le vois, c’est qu’il y a beaucoup de gens autour de moi qui travaillent dans le milieu de la culture et dans des milieux précaires. La promotion de spectacles, c’est pas non plus quelque chose de très stable et je crois avoir trouvé une manière de bien faire fonctionner ça et d’avoir une expansion suffisante, même quelques employés, très bientôt. Je te dirais que mon nouvel objectif c’est de faire travailler les gens et de rafraîchir la mise dans le milieu de la promotion. Des promoteurs sérieux, il y en a quelques uns à Montréal mais pas des milliers, surtout pas dans la scène locale. Pas que je veux y rester, mais mon objectif principal est de la professionnaliser, y rentrer des nouveaux acteurs. C’est mon objectif à moi, mon rêve derrière tout ça. Pour la mission, comme j’ai dit c’est très large. On offre plusieurs types de services dans ce qu’on fait, oui il y a de la promotion mais aussi tout ce qui se rallie autour. Je te dirais qu’à ce niveau là, l’objectif c’est d’être capable de servir de manière de qualité, mais aussi il faudrait que je te mentionne le mot ambition. Je te dirais qu’au Québec on a ce manque d’ambition là qui est très « notre province » : Des tournées de vingt dates, des spectacles à grandeur d’homme… De mon côté, j’ai eu la chance de voir beaucoup d’autres choses dans le monde, et je pense que c’est cette touche d’excentricité, d’ambition et de goût du risque que j’ai envie de mettre de l’avant.

 

Ton ambition personnelle à travers ça?

Dans le plan d’affaires, que je prépare en ce moment c’est, d’ici cinq ans, être capable de produire 150 spectacles par année, et cinq festivals. Le but c’est d’être capable de faire des événements dans des niches, spécialisés, plutôt que de faire des événements grand public. Présentement, j’ai le festival Anachronik qui est dans cette veine là, évidemment, qui est très niche, garage, rock n’ roll. Je me rends compte que c’est agréable de travailler avec des gens passionnés et c’est ça que je veux faire au niveau des niches. J’aimerais ça développer d’autres festivals de niche qui ne sont pas dans cette niche là. Présentement, je peux pas en parler mais je travaille sur un deuxième festival qui devrait voir le jour dans un an très précisément. C’est une autre niche, on travaille là dedans, ça va être un spectacle à grandeur d’homme tout en étant d’ambition beaucoup plus grande que ce que le marché offre actuellement.

 

Qu’est-ce qui t’a poussé à lancer Le Hall ?

J’ai un petit goût du risque dans la vie qui est toujours très marqué, et je suis toujours un peu insatisfait quand je travaille pour d’autres gens. Je travaille beaucoup pour d’autres boîtes par-ci, par-là et j’ai décidé d’arrêter ça un peu, de travailler à contrat de temps en temps. La vraie raison c’est que faire de la promotion c’est quelque chose de très difficile. J’en ai fait pendant sept ans, et pendant sept ans je m’en suis mordu les doigts. Après toute ces années là, je pense avoir compris comment bien le faire, dans quel contexte le faire, avec qui le faire. Je pense pas avoir la vérité, mais je pense en savoir assez pour rendre ça sustainable si tu peux me permettre le mot, et prendre de l’expansion assez vite pour rendre ça pertinent, quelque chose qui a pas toujours été le cas dans mon passé. Là, j’arrive avec pour moi un plan où je suis prêt pour vrai. J’avais une autre entreprise avant, qu’on avait parti quand on avait aucune connaissance. Je jouais dans un band à ce moment là, et je me suis dit que j’allais partir une entreprise pour comprendre comment l’industrie de la musique fonctionne, et que je repartirais un groupe quand je serais prêt, et que je le ferais comme du monde. Je te dirais maintenant que ma passion s’Est tournée bien plus vers l’industrie de la musique que jouer de la guitare, et que là c’est ma manière de dire : « Là, je suis prêt à partir une entreprise qui a du sens, qui va en quelque part. » Il y a des ambitions pertinentes derrière.

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Le plus gros défi de monter ton entreprise ?

Le cashflow ! La raison est très simple : Rouler des festivals, ça demande des budgets importants. En ce moment où on en est on parle de montants de 150 à 400,000$ et ton avenir se joue en un seul week-end. Souvent, ce week-end là va générer une bonne partie de ton revenu dans l’année, si ce n’est pas 60% de ton année. Le plus gros défi c’est de passer du premier au deuxième, jusqu’au troisième festival. L’investissement qu’on a besoin de faire en avance est important : Les artistes ont besoin d’être payés 50% en avance, les salles veulent être payées le soir même mais on reçoit l’argent des billetteries huit jour après, patati et patata. Je te dirais que le cashflow d’être capable de survivre à des mois sans activité va être le plus grand défi. Un bon défi va être de s’associer aux bonnes personnes, à ceux qui ne nous font pas perdre notre temps, je pense que c’est un grand défi mais c’est quelque chose qu’on découvre avec le temps. Je connais plus de gens maintenant, et ça va être plus facile. C’est comme n’importe quoi, on apprend à se connaître, quel genre de personne nous aide et qu’on peut aider – parce que je pense que c’est important de renvoyer l’ascenseur le plus souvent possible.

 

Penses tu toujours avoir une audience fidèle ?

Je ne pense pas que ça existe, avoir une audience fidèle. J’ai pas l’intention de m’associer à un style en particulier donc j’ai vraiment l’impression que chaque spectacle va être traité différemment, et que les audiences fidèles, on va en avoir pour certaines séries de spectacles – le Club Hommages, par exemple, a une audience très fidèle parce qu’on l’a développée en malade et qu’on doit continuer à la développer. C’est toujours un travail de fidélisation. On a souvent l’impression que ça va de soit, quand on a un bon concept les gens nous aiment, mais dans ce milieu là, il y a beaucoup de tickets de bière donnés, de tape dans le dos, de repas aux resto, de dons et de services. Je pense qu’il faut fidéliser les gens et que chaque projet doit être traité différemment. Il ne faut pas oublier que les gens viennent voir les spectacles, les artistes avant tout, ils viennent vivre une expérience. Je préfère travailler avec l’artiste pour que lui développe son audience fidèle et que je puisse la travailler ensuite. C’est pas nous les stars, sinon mon logo serait pas noir, il serait rouge pétant ! Si les gens de l’industrie nous connaissent sans nécessairement que le public le fasse, c’est correct si on est une source de promotion #1. Je ne pense pas que les gens vont s’y associer d’amour, mais si ça arrive tant mieux.

 

L’importance pour toi de promouvoir la scène locale ?

Moi je te dirais que c’est juste de rester en vie. Il y a plusieurs manières de le voir. Souvent, quand on grossit dans la promotion on a tendance à laisser de côté la scène locale et on le remarque chez tous les promoteurs. Ce n’est pas une vision que j’ai parce que quand on sait piger dans la scène locale on sait avec qui travailler aussi. Tout le monde commence local, et toutes les entreprises qui débutent doivent s’associer à un créneau, à des gens, à un entourage qui va évoluer avec lui. On ne commence pas en travaillant avec les Rolling Stones ! Les gens qui travaillent avec les Stones aujourd’hui ont travaillé avec eux la journée où ils n’étaient pas encore les Stones. Je pense que c’est la même philosophie de dire que les gens en qui je crois et dont je crois au talent, je les vois dans la scène locale et d’ailleurs c’est avec ces gens là qu’il faut s’associer et je pense qu’on en a à n’en plus finir à Montréal. Je crois que c’est comme le volet recherche et développement d’une entreprise de technologie. C’est important, et si on avance pas de nouveaux produits l’entreprise n’avance pas. La même chose est vraie dans notre cas : Une entreprise qui ne travaille pas avec la scène locale est vouée à mourir dans les prochaines années parce qu’il y a rien qui se développe sinon. Il faut pas rester pris dedans non plus, il y en a beaucoup qui ont ce problème là et qui restent pris là très longtemps., mais la scène locale est indispensable, belle, agréable et moi je préfère découvrir que d’aller voir quelque chose que je connais. C’est un goût personnel, mais c’est ce qui me donne le goût de me lever le matin. Même si ce n’est pas elle la vache à lait, c’est avec elle qu’on travaille pour l’avenir. C’est comme élever des enfants, travailler avec des artistes. On finit par s’en faire des amis, aussi, et c’est eux qu’on voit le plus souvent.

 

Tu es plus du genre gros déploiement ou show de garage ?

Je suis les deux ! Je vais être précis : Mon cœur est dans les shows de garage, mais mon ambition est dans le grand déploiement. J’aime beaucoup travailler dans le petit, mais je crois que l’avenir est dans le très grand. Je pense que quand on réussit à bien mélanger les deux, c’est là où la sauce devient gagnante. Personne n’aime ça être un numéro anonyme dans une foule, mais tout le monde veut voir le même spectacle alors il faut atteindre la bonne dose des deux. Je pense que, surtout dans le cadre des festivals, c’est important de garder ça à échelle d’homme, faire des grands événements avec beaucoup de petits « garages », c’est ce que je veux.

 

Si tu avais un seul groupe à recommander, ça serait quoi ?

Un band très pertinent, ça serait APigeon que je mettrais de l’avant. C’est quelque chose de très bon, mais aussi très excentrique. J’aime beaucoup le risque et ça paraît dans les artistes que j’aime ! C’en est une qui travaille très fort, qui s’implique dans d’autres domaines de l’art aussi. C’est définitivement quelque chose à découvrir !

 

Ton spectacle de rêve ?

Ce que je rêverais de produire avec Le Hall, ça serait un spectacle où personne ne connaît l’artiste. Je donnerai pas de nom parce que c’est pas important à ce point ci. Je ne suis pas celui qui est sur la scène. J’adore le show mais j’adore aussi produire le show donc ce dont je rêve, ça serait être capable de mettre un artiste sur scène dans un contexte où personne ne le connaît et que le spectacle, en tant que découverte, lève incroyablement. C’est ça que j’Aime : Avoir dit Z Ce que je vous présente aujourd’hui va vous impressionner », et que les gens se soient déplacés pour ça, ça serait mon rêve. Comme on le vit parfois dans un festival, ou comme certains festivals le font à certains endroits en dans le monde où les gens achètent leur billet sans même savoir les groupes qui y seront. C’est mon fantasme ! On veut tous aller voir le gros nom en haut de l’affiche, mais les petits noms sont parfois plus intéressants. Une programmation bien dosée et bien créée, c’est une programmation qui va durer longtemps et qui va se refléter dans les années à venir. Ça se remarque et c’est quelque chose qui est apprécié. On voit trop souvent des festivals de région qui vont booker le band qui suit des cours de musique au local à côté. Pour moi c’est pas ça une p
remière partie, on veut aller un peu plus loin que ça.

 

Le premier spectacle que tu vas produire ?

On en a un déjà annoncé, un très petit spectacle. The Kickback, de Chicago, dimanche prochain ! C’est un band incroyable qui passait par Montréal et à qui j’ai dit de passer nous voir au TRH-BAR. On a aussi White Cowbell Oklahoma, Seb Black et The Matadors qui s’en viennent. J’espère qu’on va vous y voir !

 

Vous êtes curieux et voulez en savoir plus sur Le Hall? Rendez-vous sur leur site web: www.lehall.net!