Vendredi 13 Octobre 2017 – L’heure est au hip-hop en ce weekend d’octobre avec une grosse programmation du côté du Phare à Tournefeuille. Entre rap français et belge, ce sont donc 5 artistes/groupes qui se succéderont pour nous dévoiler une variété assez sympa.

Le premier à ouvrir le bal est un jeune rappeur émergent dont vous entendrez certainement de plus en plus parler. Anciennement “Eighty“, c’est maintenant sous son nouveau blaze que Lombre fait la tournée des scènes au son d’un rap très posé et parolier. Nous l’avions découvert au tremplin du Weekend des Curiosités au mois de mai dernier, nous le trouvons ce soir encore très convaincant et particulièrement à l’aise du haut de ses 20 ans. Il nous a habitué aux premières parties élogieuses, comme celles de Berywam, Hyppocampe Fou ou encore Seth Gueko ; c’est ce soir l’apothéose pour ce jeune ruthénois qui a donc sa place au sein d’un des événements régionaux majeurs du hip-hop. Il enchaînera sans pression son set, accompagné de REYvilo à la guitare pour une composition épurée et divisée entre la fraîcheur de la jeunesse et la profondeur un peu sombre des paroles. Une bonne mise en bouche, qui nous fait attendre son premier EP, “Eaux troubles“, qui sortira le 11 Novembre prochain.

Lui représente la partie US de cette soirée hétérogène. Lui, c’est Gracy Hopkins, parisien de naissance mais artiste multiculturel partagé entre l’Angola, le Brésil, les États-Unis et la France. Malgré cela, sa prod’ se rapproche du Drill avec un downtempo maîtrisé et des basses particulièrement marquantes. Néanmoins, le show mettra un peu de temps à prendre ce soir ; il faudra attendre environ 30/45 min (soit la moitié du set) pour véritablement comprendre ce que Gracy Hopkins a à nous offrir. On regrettera aussi les nombreuses interactions répétitives avec les spectateurs : pas vraiment spontanées et dommageables étant donné que chaque artiste n’avait qu’une heure et demie de set grand max. Pour autant, nous finirons sur une bonne note avec une interprétation plus vivante de ses morceaux, histoire de faire monter d’un cran l’ambiance.

On ne présente plus Jazzy Bazz tant il est ancré dans la rap game français. Il est loin le temps de ses débuts dans les Rap Contenders, il a évolué pour incarné aujourd’hui le rap made in Paris. Il nous tardait à ce titre de le voir en live, afin de voir, par exemple, s’il maîtrisait les nombreuses rimes multi-syllabiques qui caractérisent son écriture. Le résultat est simple : il a géré de bout en bout son set, avec une bonne énergie qui plus est. À travers des sons comme Le Roseau, il plongera Tournefeuille dans un rap français typique des années 90 au plus grand plaisir, apparemment, d’une salle qui commence à se remplir. Évitant l’étiquette de “rap conscient”, ils puisent ses inspirations dans la vie de tous les jours et dans des thèmes qui lui sont chers : le foot, Paris etc. Néanmoins, on reconnaît facilement dans son show de véritables convictions sur les propos de fond et un engagement modèle dans son interprétation. En somme, entre clashs ironiques, freestyles (on place ici un classique du rap actuel : 64 Mesures de spleen) et interprétations live, Jazzy Bazz a su se créer un parcours entre l’Entourage et sa “tournée des grandes villes”, dont Toulouse qui a visiblement été ravi de l’accueillir.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Caballero & JeanJass, la présentation sera rapide : ils font partie des meilleurs représentants du nouveau rap belge, et ils sont considérés par certains comme les rappeurs les plus cools du moment. Effectivement, à l’image de ce qu’ils ont montré dans leurs clips, on a affaire dès leur entrée à deux personnages super complémentaires et possédant leur propre style. Des mots-clés ? La décontraction, le second degré et le talent. Dos à nous en revanche, le public est véritablement hystérique et digne d’une ambiance de festival. Des verres volent, des bouteilles aspergent les premiers rangs, des fumées s’échappent d’un peu partout apportant une odeur “naturelle” bref : c’est la folie. Le duo enchaînera sur scène leurs tracks les plus cultes comme TMTC, SVP ou encore Vrai ou Faux au travers duquel ils rendront hommage à Roméo Elvis (annoncé le même jour au Bikini en Avril 2018). Évidemment, toutes les paroles sont reprises en chœur par un Phare bien rempli et qui fera résonner des lines désormais cultes : “Toi même tu sais, nos poches sont peut-être vides mais nos têtes sont pleines de rêves” ou encore “Mets du respect sur mon nom”. En tout cas, on comprend très facilement pourquoi “Bruxelles arrive”  – pour reprendre le titre de Caballero et Roméo Elvis : c’est qu’ils apportent dans le rap game quelque chose de nouveau et de totalement fou. Qui plus est, au vu du décallage entre la simplicité des personnages et le délire du public, on imagine clairement que l’ensemble des dates à venir pour Caballero & JeanJass se feront dans la même frénésie. Une énorme réussite pour un concert qui restera comme l’un des plus fous de l’année (en témoignent les trois pogos qui éclateront sur le seul track FDP).

Comme Jazzy Bazz, Seth Gueko a déjà fait sa place depuis longtemps dans le milieu du hip-hop français. Malgré un style bien marqué, sa carrière a croisé de nombreux rappeurs prouvant sa polyvalence indéniable. Ce soir, on retrouvera néanmoins le Seth Gueko que l’on connait, rempli d’une force et d’une rage à étaler sur scène. Malheureusement, il fera face à une salle à moitié vide, victime de la vague de départs qui a suivi la fin du show de Caballero & JeanJass. Mais rien ne dérangera sa volonté de d’assurer le spectacle, et l’homme aux mille tatouages assurera son set devant un public de curieux et de connaisseurs, venant clore en beauté cette première et principale soirée du Weekend du Hiphop. Nous n’avions pas vraiment eu de “loubard” ce soir, voilà qui est fait et son physique tout en force ne laisse aucune hésitation à ce sujet.

En somme, c’est une superbe initiative que de vouloir représenter, en deux soirées, toutes les possibilités que nous offre aujourd’hui le rap francophone ou français. Des paroles poétiques de Lombre à la virilité imposante de Seth Gueko, la prog’ était là pour faire monter l’ambiance crescendo. Malheureusement, on a bien senti que la majorité des gens venait surtout voir Caballero & JeanJass, laissant avant et après un vide assez triste. Un manque de curiosité qui répond défavorablement à un projet qui, justement, se voulait porteur d’une musique hétérogène et ouverte aux différences. Espérons alors que le public soit plus attentif sur la seconde soirée, qui accueillait Panama Bende et Rezinsky. En tout cas, une chose est sûre : on ne peut que saluer l’initiative portée par la belle équipe de Bajo el Mar, et qui nous a fait oublier complètement la situation géographique laborieuse et les problèmes sonores du Phare.

 

Article & Photo : David Vacher